Ami de l’égalité

Education communiste

leçon 9 : la politique du parti

école élémentaire de la Libération (décembre 1944)

jeudi 30 octobre 2008

INTRODUCTION

- Le mot « politique » a quelquefois une mauvaise réputation. Certains partis ont, en effet, dissimulé sous ce mot de « politique » leur soumission aux intérêts d’une classe privilégiée, ce qui les a souvent conduits àdésunir les hommes.
- La politique est la science du gouvernement. Ce mot doit retrouver son sens propre.

- Les communistes étudient àla lumière du marxisme léniniste la situation dans laquelle ils se trouvent et déterminent ainsi la politique àsuivre. La politique communiste n’est donc point l’invention d’un seul homme (quel que soit son génie). Elle n’est pas soumise aux fluctuations d’une compétition électorale. Elle est le fruit de la réflexion. Elle tient compte de la réalité, des possibilités du moment et des leçons du passé. On croit quelquefois spirituel de se moquer de ce qu’on appelle les « tournants » du parti. Or, un parti sérieux ne saurait se figer dans des mots d’ordre éternels ; si le but àatteindre reste immuable : une France forte, libre et heureuse, les mots d’ordre doivent tenir compte des changements qui vont être étudiés dans cette brochure. Nous allons successivement examiner les principes de la politique communiste et la politique actuelle du Parti communiste français.

PREMIERE PARTIE : Les principes de la politique communiste

- La politique communiste ne s’improvise pas. Elle est appuyée sur quelques principes vérifiés par l’expérience historique. Ces principes peuvent être groupés autour de trois idées :

  1. stratégie et tactique ;
  2. le changement des formes d’action du parti communiste ;
  3. les règles d’action permanentes.

STRATEGIE ET TACTIQUE

- Nous sommes àune époque de l’histoire humaine où la classe ouvrière est placée àl’avant-garde de l’humanité progressive. Avec elle, le peuple tout entier lutte, dans chaque pays, pour l’indépendance nationale, la liberté et la victoire d’une démocratie réelle. Cette lutte est un combat. Qui dit combat dit stratégie et tactique. La stratégie et la tactique sont donc la science de la lutte que mènent la classe ouvrière, le peuple, le parti communiste.
- Dans son ouvrage les Principes du Léninisme, Staline a donné de la stratégie et de la tactique des définitions concrètes.

- La stratégie
- La stratégie consiste :

  1. àfixer la direction du coup principal àporter ;
  2. àélaborer un plan propre àatteindre ce but ;
  3. àlutter pour la réalisation de ce plan.

- Quelques exemples empruntés àl’histoire récente du Parti communiste français peuvent éclairer cette définition.

- De 1934 à1936, le but est de faire échec au fascisme
- Dans le monde intérieur, cela comporte les conséquences suivantes :
- Direction du coup principal : isoler les 200 familles, base du fascisme. Plan approprié : rassembler contre les 200 familles, pour la défense de la démocratie, la classe ouvrière et les classes moyennes unies.

- De 1940 àaujourd’hui, le but est de libérer le pays et d’écraser le fascisme
- Direction du coup principal : la clique des traitres qui ont livré le pays aux Boches. Plan approprié : front patriotique des Français contre l’envahisseur et ses complices (Vichyssois attentistes).

- La tactique
- Revenons àStaline : La tactique est une partie de la stratégie, subordonnée àcelle-ci et destinée àla servir... Si la stratégie a pour but de gagner la guerre, par exemple, contre le tsarisme et la bourgeoisie, de mener jusqu’au bout la lutte contre le tsarisme et la bourgeoisie, la tactique, elle, s’assigne des objectifs moins essentiels, car elle s’efforce de gagner, non pas la guerre dans son ensemble, mais telles ou telles batailles, tels ou tels combats, de réaliser avec succès telles ou telles campagnes, telles ou telles actions appropriées àla situation concrète pendant une période donnée d’essor ou de déclin de la révolution.
- Réfléchissons encore aux évènements de ces dernières années. De 1934 à1938, la stratégie reste la même : isoler les 200 familles. La tactique est d’abord offensive, car c’est l’époque de l’essor des masses populaires. 1934-36 : manifestations de 1934, actions de 1936. Puis le mouvement des masses se ralentit (1936-38) ; après le flux, c’est le reflux. Le maintien d’une tactique offensive ferait naitre un danger de rupture entre la classe ouvrière et les classes moyennes. D’où une tactique défensive avec les mots d’ordre : Tout n’est pas possible. Il faut savoir terminer une grève.

LE CHANGEMENT DES FORMES D’ACTION DU PARTI COMMUNISTE

- Le changement est la règle générale de la tactique communiste qui est une adaptation constante àune réalité essentiellement mouvante.

- Le rapport des forces peut changer
- C’est ainsi, par exemple, que le mouvement de libération nationale n’a pas cessé de s’amplifier en France depuis les premiers jours de l’occupation : comités populaires en 1940 ; actions des FTP et formation du Front national en 1941 ; grandes manifestations nationales le 14 juillet et le 21 septembre 1942 ; développement du mouvement jusqu’àl’insurrection nationale en 1944. Que penserait-on d’une organisation qui prétendrait àun rôle dirigeant et qui lancerait àces trois dates : novembre 1940, juillet 1942, juillet 1944, des mots d’ordre identiques ?

- L’état d’esprit des différentes couches se modifie
- C’est ainsi que depuis 1940 l’état d’esprit des paysans ou des petits industriels, des intellectuels, des officiers, etc..., a évolué et que dès lors l’attitude des communistes àleur égard a tenu compte de cette évolution.
- Il est clair que les formes d’action (c’est-à-dire la tactique) doivent évoluer. Par exemple, en 1943 et en 1944, le problème de la participation des communistes au gouvernement ne se posait pas comme en 1936. En 1943 et en 1944, le parti communiste jouait un rôle décisif dans la préparation de l’insurrection nationale, ses militants dirigeaient de nombreux comités de libération, les meilleurs de ses combattants constituaient les cadres militaires des FFI, les masses étaient en mouvement ; dès lors, la participation communiste au gouvernement devenait possible et nécessaire sur la base d’un programme de lutte pour la victoire totale sur le fascisme hitlérien.

LES REGLES D’ACTION PERMANENTES

- L’expérience montre donc que la tactique doit évoluer et que les formes d’action doivent changer avec les circonstances. Mais l’expérience montre aussi qu’il existe certaines règles d’action constantes.

- Il importe de bien déterminer l’ennemi principal et le coup principal àporter
- Par exemple, depuis 1934, l’ennemi principal est le fascisme. L’erreur aurait consisté, par exemple, àdésigner comme ennemi n° 1 la démocratie bourgeoise dont nous savons bien qu’elle est une démocratie formelle faussée par l’action des trusts. A l’heure actuelle, l’erreur consisterait àoublier que la guerre continue et àporter le coup principal dans une autre direction que contre le fascisme hitlérien et ses succédanés.

- Il faut bien choisir le moment
- Quand une action décisive doit être engagée, la date doit être fixée avec minutie : ni trop tôt, ni trop tard. Un exemple deviendra classique : l’insurrection de Paris au mois d’aoà»t 1944. Pas trop tôt : les armées alliées étaient proches ; le peuple parisien, tout frémissant, avait manifesté le 14 juillet dans la rue ; les « coups de main » qui se multiplient, grâce aux détachements armés du pays, ouvrent la voie aux mouvements rapides des unités blindées alliées ; ils obligent l’ennemi àpasser àla défensive dans Paris ; les cheminots ont déclenché le 10 aoà»t la grève revendicative et, le 19 aoà»t, les élus communistes de la région parisienne lancent l’appel àl’insurrection. Quelques jours après, c’eà»t été trop tard : ou bien les hitlériens regroupés auraient transformé certains quartiers de Paris en forteresses qui auraient constitué pour eux des bases de départ, ou bien les Alliés se seraient emparés de Paris sans la participation directe des Parisiens, et, dès lors, le rôle de la France eà»t été diminué. Donc, le moment était bien choisi. Il en avait été ainsi de l’insurrection nationale en Corse (8-9 septembre 1943). Avant, on n’eà»t pas bénéficié de l’atout que représentait la désorientation des forces d’occupation italiennes due àl’effondrement de Mussolini, après, c’était laisser le temps aux Allemands d’intervenir et aux attentistes de se rallier aux Allemands.

- Il faut choisir les mots d’ordre
- Ils doivent être simples, exactement adaptés àla situation, être réalisables, propres àrassembler de larges masses. Quand les masses ont combattu pour un mot d’ordre et que la victoire a couronné leur lutte, il est alors possible de passer àun mot d’ordre nouveau et plus élevé. Mais il faut savoir rester àla tête des masses, ni trop en arrière, ni trop en avant.

- Les masses s’éduquent par leurs propres expériences
- C’est Lénine qui a remarqué qu’en période de crise aiguë (révolution, guerre d’indépendance), les esprits mà»rissent vite. De fait, ce sont les épreuves qui forgent les masses et leurs dirigeants. Notre parti avait démontré que les prétendus pacifistes àla Dumoulin, àla Belin, étaient des agents hitlériens. Nous n’avions pas convaincu l’ensemble de l’opinion. Aujourd’hui, la démonstration est faite et l’expérience a prouvé que nous avions eu raison. La vie est la plus grande des éducatrices, àcondition de dégager du passé immédiat les leçons qui s’imposent - et c’est là, précisément, une des tâches des communistes.

- Il faut savoir saisir la préoccupation sensible du peuple au moment donné
- Il faut, pour cela, se pencher sur les masses, connaître leurs sentiments, deviner leurs aspirations. Par exemple, en 1934, les masses françaises veulent lutter contre le fascisme ; elles veulent, contre lui, défendre les libertés démocratiques conquises au prix de grands sacrifices ; elles sentent confusément que, dans ce but, il faut s’unir. C’est alors que notre Parti communiste lance le mot d’ordre de l’unité d’action, puis celui du Front populaire en 1935 et celui de l’union de la nation française en 1936. Dès 1941, les masses françaises sont dressées contre l’envahisseur. Si, pendant les premiers mois, la clique vichyssoise a pu faire quelques dupes, il n’y a désormais plus de doute parmi les bons Français qui vivent sous la botte ennemie ; notre Parti communiste lance alors le mot d’ordre du Front national pour la libération et l’indépendance de la France (15 mai 1941) : c’était l’anneau de la chaîne.

- On ne peut pas vaincre avec la seule avant-garde
- L’union agissante demeure une règle d’action permanente, car les ennemis de la nation cherchent toujours àisoler la classe ouvrière pour la mieux écraser. Les communistes ne doivent jamais laisser isoler la classe ouvrière. Puisqu’ils sont les défenseurs clairvoyants de la nation, ils doivent se mêler entièrement àsa vie et soutenir les revendications justifiées des classes sociales autres que le prolétariat. C’est une règle d’action, dégagée de l’expérience historique. En juin 1848, les ouvriers furent vaincus parce qu’ils étaient isolés ; et en 1871, les Communards furent écrasés parce que la réaction put dresser contre eux d’importantes couches de la paysannerie trompée. C’est pourquoi la politique communiste française a toujours été une politique d’union, mais d’union dans l’action, et d’union des masses. La vieille formule reste vraie : L’unité par en bas, toujours ; par en haut et par en bas, quelquefois ; par en haut seulement, jamais !
- Tels sont donc les principes essentiels de la politique communiste. Ce sont eux qui permettent aux communistes de s’orienter et d’orienter leur action dans une situation compliquée comme la situation actuelle.

DEUXIEME PARTIE : La politique actuelle du parti

- Nous venons de rappeler quelques-uns des principes classiques de la politique communiste pour nous éclairer sur la politique actuelle du parti et nous permettre de mieux la servir. A la lumière de ce qui précède, il est possible de distinguer cinq grands problèmes dans la politique actuelle du parti :

  1. le parti communiste français, grand parti national ;
  2. le fascisme hitlérien, ennemi principal ;
  3. la guerre : préoccupation essentielle ; les quatre conditions de la victoire ;
  4. les conditions réalisées par l’ordre républicain ;
  5. le rôle des communistes.

LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS, GRAND PARTI NATIONAL

- La ligne générale du parti est très nette. Elle ne laisse place ànulle équivoque. Elle est essentiellement nationale. Bien que le parti communiste soit le parti de la classe ouvrière, sa ligne générale n’est pas de défendre exclusivement les intérêts d’une classe, mais ceux de la nation tout entière. Il n’y a d’ailleurs aucune contradiction entre les vrais intérêts de la classe ouvrière et les vrais intérêts de la nation (voir la quatrième leçon). N’est-ce pas en même temps l’intérêt de la classe ouvrière et l’intérêt de la nation que d’en finir avec la menace hitlérienne ?
- Par ailleurs, la ligne générale du parti ne saurait être interprétée comme une politique de Front populaire, c’est-à-dire comme une politique d’union des forces de gauche. Nous visons maintenant plus haut, car il est devenu nécessaire de viser plus haut : nous visons au rassemblement de la nation tout entière, àl’exception d’une poignée de traîtres et de collaborateurs qui s’en sont exclus.
- Le relèvement de la nation, ce n’est pas l’affaire d’un parti, d’un homme ou d’une classe, c’est l’affaire de la nation tout entière. - Maurice Thorez
- Dans leur langage, dans leurs écrits, dans leurs relations avec les éléments étrangers au parti, dans leurs actes, les communistes français doivent se rappeler àchaque instant qu’ils sont les membres d’un grand parti national, d’un parti dont l’objectif est la renaissance française par le moyen du rassemblement des Français.

LE FASCISME HITLERIEN, ENNEMI ESSENTIEL QU’IL FAUT VAINCRE PAR LA GUERRE

- Le Parti communiste français est donc le parti de la France. Quel est l’ennemi essentiel de la France ? Le fascisme hitlérien. C’est dans sa direction, c’est contre lui que doit être porté le coup principal.
- A ce propos, trois remarques essentielles :

  1. quand nous disons le fascisme hitlérien, nous englobons dans cette expression les nazis et leurs complices français, les hommes des trusts sans-patrie qui ont livré la France àl’envahisseur ;
  2. le fascisme est la dictature des éléments les plus réactionnaires du capital financier (voir troisième leçon) ;
  3. l’intérêt national de la France se confond avec la cause du progrès et de l’humanité. Aucun progrès réel, social et humain n’est possible tant que subsiste la menace du fascisme hitlérien.

- Le fascisme hitlérien représente pour la France une triple menace :

- Premièrement, le fascisme hitlérien vise àdétruire l’indépendance de notre pays
- Dans Mein Kampf, Hitler avait révélé son objectif, qui était d’asservir, de diviser et de détruire la France. Cet objectif reste celui des fascistes hitlériens et la menace sur l’indépendance de la France persiste. Depuis que les victoires combinées des armées alliées et du peuple français ont obligé le nazisme àun recul définitif, la menace hitlérienne revêt un caractère nouveau.

- Infiltrations militaires
- D’importants îlots hitlériens subsistent, le long de l’Atlantique et le long de la frontière italienne. De ces bases partent des colonnes mobiles, qui ravagent le pays avoisinant. Ces îlots sont en liaison entre eux et avec le Reich (avions et sous-marins). Ils ne subsistent pas par hasard, leur résistance n’est pas, comme on l’écrit quelquefois, le fait de la folie et du fanatisme, elle fait partie d’un plan général. Ces ilots doivent jouer le rôle de relais : relais pour la réception de renforts venus de l’Espagne, base essentielle de reconstitution du fascisme ; relais entre le territoire allemand et les membres de la 5è colonne. La 5è colonne est un élément essentiel d’infiltration militaire, elle comprend des traitres et des soldats ennemis camouflés. De juin àjuillet 1944, 45000 complets civils ont été fournis aux envahisseurs par diverses maisons de confection parisiennes ; ils ont été utilisés sans aucun doute. Les maquis « blancs » agissent. Les attentats se multiplient, de plus en plus sanglants (trente-six morts dans la seule explosion du château de la Timone, dans le Vaucluse).

- Infiltrations idéologiques
- La propagande est une arme comme la mitraillette ou la grenade. On reconnaît la marque de fabrique hitlérienne dans maints propos, dans maintes insinuations. C’est céder la place àl’idéologie hitlérienne :

  • que d’être méfiant àl’égard du peuple, que de redouter ses organisations, ses initiatives, son armement ;
  • que de parler d’un compromis possible avec une Allemagne où serait sauvegardé l’essentiel du régime fasciste ;
  • que de soutenir des amis d’Hitler comme Franco ;
  • que d’opposer un bloc occidental, ou un bloc latin, àl’alliance féconde de la France et de tous ses alliés, y compris l’Union soviétique.

- Sabotage des trusts prohitlériens
- Les hommes des trusts sont, pour un grand nombre, restés àla tête des organismes économiques. Ce sont eux qui sabotent la reprise économique, qui divisent la nation.
- On comprend que les ouvriers soient fondés àrefuser de travailler avec des patrons, des directeurs ou des agents de maîtrise qui, pendant l’occupation boche, se sont conduits en agents de l’ennemi. - Rapport de Jacques Duclos, 27 octobre 1944, page 16

- Activité de la haute administration non épurée
- Les hauts fonctionnaires nommés par Vichy et qui avaient la confiance de Vichy et des Allemands n’ont pas tous été épurés. Il reste autour du gouvernement central des hommes dont la présence ne peut que servir notre ennemi essentiel : le fascisme hitlérien. Ce sont ceux qui font de la peur du peuple un système de gouvernement, qui est une source de trahison et de paralysie et qui crée les possibilités d’un néo-fascisme.

- Deuxièmement, le fascisme continue àcompromettre l’indépendance de notre pays
- Depuis la libération, une grande espérance soulève la France. Après les épreuves douloureuses de la défaite et la lutte héroïque des patriotes innombrables, la France est convaincue que sa mission n’est pas terminée et qu’un grand avenir l’attend encore.
- Mais cet avenir, il faut que la France le prépare. La libération n’a pas été un miracle. Elle a été l’Å“uvre des Français qui ont su coordonner leur action victorieuse avec la stratégie alliée. C’est aux Français de préparer l’avenir de la France. Cet avenir dépend de trois conditions.

- Il faut détruire l’armée hitlérienne
- Evidemment, l’ennemi hitlérien a subi défaite sur défaite. Mais les nazis résistent farouchement. Ils font et ils feront encore des efforts désespérés pour développer le fascisme, qui est leur instrument àl’intérieur des pays libérés dans le front de la Résistance. Leurs espoirs seront déçus. Les Français savent que l’avenir de la France est menacé tant que subsiste un seul élément de l’armée hitlérienne. Donc, la France doit prendre une part directe aux derniers combats qui écraseront l’armée hitlérienne.

- Il faut détruire le régime hitlérien
- Admettons que l’armée hitlérienne soit vaincue, l’avenir de la France ne sera pas garanti si le régime hitlérien subsiste. La peste nazie doit être éliminée ; les racines de l’hitlérisme doivent être extirpées du sol allemand. Il s’agit pour les Français d’écraser un régime qui est l’instrument des éléments les plus impérialistes et les plus réactionnaires du capitalisme financier, qui est par suite un foyer mondial de guerre et de réaction. C’est pourquoi les Français ne peuvent rester àl’écart des discussions relatives àla situation de l’Allemagne après la guerre. C’est aux Français d’être vigilants et de s’assurer que la résurrection d’un régime hitlérien est impossible.

- Il faut détruire l’« ordre nouveau » en Espagne
- Il ne suffit pas de vaincre le fascisme dans sa tanière, il faut le vaincre partout où son passage a laissé des traces. L’hitlérisme a trouvé des complices partout. Ces complices ont été vaincus par la levée en masse du peuple. Mais ils n’ont pas renoncé àleur activité. Pendant plusieurs années, l’hitlérisme a tenu l’Europe sous sa botte ; dans chaque pays il a eu le soutien actif des trusts sans patrie et de leurs hommes. Les agents de l’hitlérisme regrettent « l’âge d’or » de « l’ordre nouveau », qui était le régime de leur choix. Ils vont tenter de le reconstituer sous des formes nouvelles et très habilement camouflées. Làencore, la question n’est pas politique, elle est nationale. Que serait l’avenir de la France si Franco continuait àgouverner l’Espagne (contre les Espagnols) et si un néo-fascisme s’installait en Italie, en Suisse ou en Belgique ? L’« Ordre nouveau » nous cernerait et la France serait menacée.
- Donc, le fascisme hitlérien, avec ses trois aspects :armée de choc nazie, régime intérieur de terreur et d’exploitation, « ordre nouveau » en Europe, constitue pour l’avenir de la France et son rayonnement une menace directe qui doit faire l’union de tous les Français.

- Troisièmement, le fascisme hitlérien sabote par l’entremise des trusts la reprise économique
- Les actes de sabotage sont innombrables. Ils se produisent dans tous les domaines. Notre camarade Jacques Duclos a donné des exemples précis dans son rapport du 27 octobre 1944 (page 15).

- Sabotage des transports
- A Noisy-le-sec et au Bourget, des agents du service roulant, au lieu d’être occupés àla remise en état des voies, sont occupés àarracher l’herbe le long des voies et des bâtiments. Il en est de même àChambly, Argenteuil, Saint-Nom-la-Bretêche, Tours, Saint-Pierre-des-Corps, le Landy, la petite Ceinture, etc...

- Sabotage du ravitaillement
- Dans la Seine-inférieure, la maison Gervais dispose de 80 tonnes de fromages bloqués. Ces fromages coulent déjà, mais on ne donne pas les bons de déblocage, et quand, finalement, ces bons seront donnés, les fromages seront impropres àla consommation. - (page 19)

- Sabotage des fabrications de guerre
- Les ouvriers de la SOGA, importante société de réparations automobiles travaillant sous la direction d’un comité de gestion, ont livré de nombreux véhicules aux FFI. Ils ont effectué 222000 heures pour l’armée seulement. Au lieu d’être encouragés, ils ne rencontrent que des difficultés. L’argent qui est dà» àla firme n’est pas payé et la fourniture des pièces détachées, de l’huile et des carburants fournit l’occasion de toute espèce de brimades. - Humanité du 27 novembre 1944

- Sabotage de la reconstruction
- L’entreprise Vandewalle, de Paris, chargée d’exécuter des travaux de réfection du viaduc de la Canardière àChantilly, n’emploie que 120 ouvriers et se refuse àen embaucher d’autres en prétendant que la législation vichyssoise sur le licenciement et l’embauchage est toujours en vigueur. - Rapport de Jacques Duclos, page 15

- Les communistes dénoncent ce sabotage. Même si ce sabotage est quelquefois le fait de patrons rétrogrades, les communistes ne le dénoncent pas pour des raisons sociales, mais pour des raisons d’ordre national. Si ce sabotage continuait, il porterait un coup direct àla France, dont il compromettrait l’indépendance et la grandeur. Il est malheureusement facile de le montrer.

- Le sabotage rend la vie extrêmement difficile pour les éléments les plus pauvres de la nation
- Le sabotage du ravitaillement est utilisé pour multiplier les divisions entre les Français, pour opposer les citadins aux campagnards. Ceux qui hier encore trafiquaient avec les Boches voudraient affamer les grandes villes, et en particulier Paris, pour démontrer que la libération n’a rien apporté, qu’on était plus heureux sous Vichy et les Boches, que le nouveau régime démocratique est le régime du désordre et que le Gouvernement provisoire de la République est impuissant.

- Le sabotage rend possible la déception et la démoralisation
- Dans les queues de consommateurs, parmi les chômeurs, la propagande des agents hitlériens peut trouver un terrain favorable. Sur la base de ce mécontentement, il peut se créer un « néo-fascisme » au service, encore une fois, des trusts, foyers de trahison.

- Le sabotage est une entreprise de soumission de la France àl’étranger
- Vichy, docile aux Allemands, avait entrepris de détruire l’industrie française. Nation uniquement rurale, la France eà»t été attachée au char de guerre de l’Allemagne industrielle. Nos mines eussent été livrées, nos hauts fourneaux abandonnés. Si nous ne trouvons plus dans nos possibilités industrielles les moyens de « démarrer », les moyens d’entreprendre la reconstruction, nous donnerions prise aux trusts étrangers qui nous guettent. Saboter la reprise économique, c’est ouvrir aux trusts sans patrie les portes de la France, c’est refaire le « coup de mai 1940 » non plus sur le terrain militaire, mais sur le terrain économique. C’est ce que doit comprendre tout Français patriote. Le sabotage est aujourd’hui la forme de la trahison au même titre que la surproduction sous la domination allemande.
- Concluons sur ce point. Parce qu’elle est nationale, la politique du parti communiste français considère que l’ennemi numéro un de la France reste le fascisme hitlérien, sous quelque forme qu’il se présente. C’est contre lui que le coup principal doit être porté. Il continue àmenacer l’indépendance de la France. Sans sa destruction, il n’y a pas d’avenir possible pour la France, et c’est àlui, àlui seul, que le sabotage de la reprise économique peut servir.
- Donc, c’est la fin rapide et victorieuse de la guerre qui décide de tout. L’objectif immédiat du parti communiste français, celui qu’il propose àtout Français honnête, sans distinction de classe et d’opinion, est par conséquent de faire la guerre, rien que la guerre, mais toute la guerre.

LES QUATRE CONDITIONS DE LA VICTOIRE

- Il faut faire la guerre, c’est l’idée directrice de toute la politique du parti. Il faut la faire pour écraser définitivement le fascisme hitlérien et ses succédanés. La victoire totale et rapide est possible si quatre conditions sont réalisées. Elles sont inséparables l’une de l’autre. En satisfaire une et négliger les autres serait compromettre le résultat final.

- Première condition : la formation d’une puissante armée nationale
- Le problème a été traité pour l’essentiel dans le cours sur la guerre. Rappelons seulement ce que doit être cette armée nationale :

- Une force militaire unique...
- ...qui groupe, en les amalgamant, tous les éléments dont dispose la France. Il n’est pas supportable qu’on continue de personnaliser les différentes unités en parlant de l’armée d’un tel, de la division d’un tel autre.
- Il faut créer une véritable armée nationale et républicaine, qui ne ressemble plus aux grandes compagnies du moyen âge, ou aux régiments de l’ancien régime, qui étaient la propriété de leur colonel.

- Cette armée doit être liée àla nation
- Pas d’armée de métier, pas d’armée dont les soldats ne connaissent qu’un fanion : celui de leur général. Une armée qui se sente et se reconnaisse comme la nation en armes. Ce qui ne signifie pas que l’armée doive se transformer en champ clos àl’intérieur duquel les opinions politiques rivales se heurteraient. Non, l’armée doit être unie et disciplinée. Mais elle doit sentir autour d’elle l’affection et la sollicitude de tout un peuple, qui s’exprimera par des parrainages et qui créera des liens vivants entre la nation et son armée.

- La préparation militaire de la jeunesse doit être organisée
- (voir : cours sur la jeunesse)
- Rappelons qu’il faut que la jeunesse se rassemble dans des cercles populaires de préparation militaire. C’est une des tâches que se sont fixées les Forces unies de la Jeunesse patriotique.

- Cette préparation doit aller de pair avec une propagande systématique contre le pacifisme
- Ce pacifisme, qui a fait tant de mal ànotre pays et qui a été utilisé par l’ennemi àl’aide de traitres comme Déat, Dumoulin, Delmas et autres, a exploité des sentiments essentiellement humains comme la haine de la guerre. Mais il servait, en réalité, le régime hitlérien, qui, précisément, a fait la guerre la plus atroce : la guerre aux femmes, la guerre par la torture, la guerre par les méthodes d’Oradour. Les communistes français détestent la guerre ; nés dans le peuple, vivant sa vie, ils savent que le peuple est le premier àsouffrir de la guerre. Mais ils ne sont pas des pêcheurs de lune. Ils savent en effet qu’il faut d’abord détruire l’hitlérisme et le détruire par la guerre. Tant que l’hitlérisme n’est pas totalement vaincu, les paroles de paix ne peuvent être que des paroles de trahison.

- Deuxième condition : une politique extérieure réaliste, démocratique et française
- L’esprit munichois doit être totalement liquidé. Ses représentants, dont beaucoup devinrent les hommes de Vichy, doivent être éliminés. Il ne suffit pas de rompre avec ce passé de trahison, il faut aller de l’avant.

- Les alliances nécessaires
- Les épreuves récentes doivent être une leçon. L’intérêt national exige àla fois la coopération avec la grande-Bretagne et les Etats-unis et une entente solide et franche avec les peuples de l’URSS. Les communistes français ne dissimulent pas la grande admiration qu’ils éprouvent pour l’URSS. Mais pour l’heure, il s’agit d’une politique uniquement nationale. L’alliance de l’URSS est pour notre France la garantie de l’indépendance et le garant de la sécurité. Ces alliances doivent être complétées par les amitiés des peuples polonais, tchécoslovaque, yougoslave, grec, italien, espagnol, belge, etc... Il ne faut pas opposer un bloc occidental àun bloc oriental. Dans un bloc occidental, la France ne serait « qu’un brillant second ». Par sa situation géographique, par ses traditions historiques, elle est qualifiée pour participer avec l’URSS, l’Angleterre et les Etats-unis àl’union de l’ensemble des peuples libres.

- Peuple et diplomatie
- Il faut avoir, comme on l’a dit quelquefois, la diplomatie de sa politique. Le fascisme hitlérien, forteresse des trusts, s’appuyait sur les trusts. La France démocratique doit rechercher l’amitié des peuples. Il faut donc dans notre diplomatie des hommes nouveaux qui n’aient pas peur du peuple et qui ne s’appuient pas àl’est sur une clique de réactionnaires polonais, au sud sur Franco, en Belgique sur une poignée d’émigrés, instruments de la haute finance, en Italie sur les meilleurs serviteurs de Mussolini, en Yougoslavie sur les amis du traitre Mikhaïlovitch. La grandeur de la France est dans ses traditions de liberté, de démocratie et de progrès social, c’est cette France que nos diplomates doivent représenter àl’étranger.

- Troisième condition : la remise en marche de l’économie française
- Tout se lie. Pas d’armée nationale sans une reprise de nos fabrications de guerre. Pas de prestige àl’étranger si nous ne donnons pas le spectacle d’une nation qui se redresse seule et qui reconstruit.

- Il est nécessaire de dresser le bilan des destructions
- mais il faut aussi faire le bilan des ressources, de celles en particulier qui sont immédiatement disponibles. Dans son rapport du 27 octobre 1944, Jacques Duclos faisait quelques suggestions qui restent valables.
Il est possible, disait-il, de réparer les ponts et les viaducs avec les matériaux existants : poutrelles, rails, traverses en bois, etc... Il faut le faire et ne pas donner ànos Alliés le navrant spectacle d’un pays qui se laisse aller. - page 20

- Il faut avoir la volonté de réussir
- Il faut qu’on sente passer àtravers les ordres, àtravers les plans, ce dynamisme qui crée l’enthousiasme patriotique. Pas de pessimisme, pas de réticences, mais l’affirmation, suivie d’exemples concrets, qu’un redressement économique rapide est possible. Des victoires ont été remportées (exemple : le pont d’Orléans). Il faut faire connaître les succès et créer l’émulation populaire.

- Pas d’enthousiasme sans la confiance dans le peuple
- Les organisations syndicales, d’ouvriers et de techniciens, soucieuses de leurs responsabilités nationales, multiplient les suggestions, alertent l’opinion publique par des conférences sur la reprise économique. Ces suggestions doivent être écoutées, car elles sont formulées par ceux-làmême qui auront àles appliquer. Jamais depuis 1792 il n’y avait eu dans notre pays une telle compréhension populaire de l’intérêt national. Seuls, les ennemis de la patrie peuvent laisser passer l’occasion et répondre par des sourires aux propositions concrètes des ouvriers, des techniciens, des artisans, des petits commerçants, des paysans, des intellectuels.
- Il faut donc remettre en marche l’économie française. Les communistes insistent tout particulièrement sur trois objections :

  1. Il faut un plan d’ensemble. D’accord. Nous sommes pour un plan de reconstruction, il doit être élaboré. Mais que le mieux ne soit pas l’ennemi du bien. Il faut d’urgence réparer tout ce qui est réparable et empêcher que les grands projet d’avenir aient pour résultat pratique immédiat l’inactivité complète. (Jacques Duclos)
  2. Il faut attendre l’aide des Alliés. Oui, l’aide des Alliés sera utile. Pour l’heure, il faut agir avec ce que la France possède et conquérir notre indépendance. Notre camarade Benoît Frachon disait aux cadres syndicaux dès le 10 septembre 1944 : Il y a en France des techniciens et des ouvriers qualifiés capables de concevoir et d’exécuter les machines les plus perfectionnées, d’en créer de nouvelles. Un pays comme le nôtre doit porter et maintenir son industrie au niveau le plus élevé de la technique moderne.
  3. Il ne faut pas oublier les revendications ouvrières. Oui. Mais leur succès est lié àla reprise économique. Cette reconstruction de l’économie française ne doit pas se faire au profit de quelques oligarques qui sacrifient volontiers la nation àleurs intérêts de caste. Elle doit se faire dans le seul intérêt de la nation, dont la classe ouvrière est un élément décisif. Ce qu’il faut immédiatement, c’est réaliser, et revendiquer en fonction de l’effort qui a été fait et pour permettre un effort encore plus grand et plus fécond. Il ne saurait y avoir contradiction entre l’intérêt de la classe ouvrière et l’intérêt de la nation.

- Quatrième condition : le châtiment des traitres

  1. Nous l’avons suffisamment montré : les traîtres ne désarment pas. Il faut donc les mettre hors d’état de nuire. Il ne s’agit pas de vengeance, ni de représailles, ni de la peine du talion. Les communistes, qui ont perdu des milliers de leurs camarades dans la lutte, dominent leurs souffrances. Ils seraient même capables de dominer un ressentiment bien naturel. Mais ils agissent en patriotes en réclamant le châtiment de ceux qui ont livré la patrie àl’envahisseur. Si les traitres ne sont pas frappés, ils recommenceront demain comme ils continuent aujourd’hui.
  2. Les trusts ont trahi. Ils disposent de fortunes considérables. Si ces fortunes ne sont pas confisquées, elles serviront demain àfinancer de nouvelles trahisons. Il ne s’agit ni d’envie, ni de jalousie, ni même de préférence doctrinale. La confiscation est nécessaire, puisque la nature profonde, la constitution intime des trusts en fait quelque chose qui ne tient pas dans les cadres de la Patrie et qui ne tient pas àl’indépendance de la Patrie (Comité central du Parti communiste français, fin 1 943). C’est ainsi que les houillères du Nord et du Pas de Calais doivent être confisquées. S’il y a eu des actionnaires honnêtes, il sera toujours temps de prendre àleur égard des mesures de justice. Mais qu’on commence par exproprier les vrais responsables de la grande trahison des compagnies houillères.
  3. Le châtiment des traitres doit être rapide. Tout délai énerve l’opinion, crée le désordre et favorise la division. Il ne s’agit pas de multiplier les poursuites contre de vagues comparses et d’organiser des procès spectaculaires autour de quelques écrivains prostitués, mais de frapper sans faiblesse, en commençant par la tête.

L’ORDRE REPUBLICAIN

- La conduite victorieuse de la guerre - et c’est làl’essentiel de la politique communiste - exige que quatre conditions soient réalisées : une puissante armée nationale, une politique extérieure réaliste démocratique française, la remise en marche de l’économie française, le châtiment des traitres. C’est par l’ordre républicain que ces quatre conditions seront réalisées.
- Il faut donc définir l’ordre républicain.

- L’ordre républicain, c’est le respect des libertés démocratiques
- Nous avons défini dans un cours précédent (cours n° 3) ce qu’on entend par libertés démocratiques. On ne respecte pas les libertés démocratiques quand on ne donne pas aux journaux libres les moyens matériels d’atteindre leur public, quand, par une censure extra-militaire, on porte atteinte àla liberté d’opinion.

- L’ordre républicain, c’est la confiance dans le peuple
- Donner la parole au peuple et écouter ses suggestions, telle doit être la préoccupation d’un gouvernement républicain. Il doit éviter de prendre des décisions importantes sans avoir, au préalable, consulté l’opinion populaire ou celle des représentants du peuple. Le respect de ce principe éviterait beaucoup de difficultés et partout empêcherait le désordre. Voici un exemple : l’ordonnance du 28 novembre 1944 relative àl’institution des Houillères nationales du Nord et du Pas de Calais, tout en promulguant une mesure depuis longtemps attendue, renferme des stipulations qui mécontenteront les mineurs et l’opinion nationale. Ces heurts, préjudiciables àl’unité de la patrie, auraient pu être évités par des discussions préalables.

- L’ordre républicain, c’est l’organisation civique du peuple
- L’ordre républicain, la protection contre les traitres, contre les diviseurs de la nation et contre les saboteurs de la reprise économique implique l’organisation civique du peuple. Un gouvernement républicain ne saurait prendre ombrage de cette organisation, qui est destinée àsoutenir sa politique et àla défendre contre des adversaires plus ou moins camouflés. C’est ainsi que les Milices patriotiques ont été constituées, qui ont reçu depuis l’appellation de « Gardes civiques républicaines ». La Garde civique républicaine est une conquête de l’insurrection populaire. Son rôle n’est pas terminé. L’ordre àl’intérieur est une des conditions de la victoire àl’extérieur. La Garde civique républicaine, en contact étroit avec la population, peut utilement collaborer au maintien de cet ordre.

- L’ordre républicain, c’est la soumission àla nouvelle légalité française
- Des élections immédiates sont impossibles. Celles qui ont été prévues pour février et mars ne reflèteraient pas la pensée véritable de la France, puisque plus de deux millions d’électeurs ne voteront pas (prisonniers, déportés, etc...).
- Ce qui représente la volonté nationale dans la période actuelle, c’est la Résistance, qui s’est organisée dans la clandestinité, qui a, par son combat, créé les fondements d’une légalité nouvelle face àla fausse légalité de Vichy. Et aujourd’hui c’est la Résistance qui constitue la base légale du Gouvernement provisoire de la République. - Rapport de J. Duclos le 27 octobre 1944, page 27
- Ceux qui parlent de liquider la Résistance sont des ennemis de la patrie, car faire disparaître la Résistance, ce serait enlever sa base légale àun gouvernement qui représente la France devant le monde. Le Conseil national de la Résistance n’est pas le seul organisme de la légalité nouvelle. Elle s’incarne aussi dans les Comités locaux de la Libération, qui sont une création de l’initiative nationale. Ce sont eux qui ont dirigé la lutte patriotique contre l’ennemi, ce sont eux qui, après la Libération dont ils ont été les artisans, ont pris en mains la mobilisation de toutes les forces patriotiques, constituées par des patriotes honnêtes venus de toutes les classes et de tous les horizons philosophiques ou religieux. Ils agissent publiquement et rendent compte fréquemment de leurs activités. Ils sont devenus les instruments indispensables de l’ordre républicain.
- De même que les Fédérations locales et provinciales s’étaient unies en 1789 et en 1790, les Comités de Libération ne restent pas isolés. Ils ont tenu leur congrès national et participent pour un grand nombre au travail de convocation des Etats généraux de la Renaissance française. Le Parti communiste français se réjouit de cet enthousiasme démocratique qui plonge aux meilleurs sources de nos traditions nationales. Dans une résolution de son bureau politique en date du 9 novembre 1944, il a précisé sa conception des Etats généraux.
- D’un bout àl’autre de la France, dans toutes les villes et tous les villages, devraient se tenir des réunions de ménagères, d’ouvriers des diverses entreprises, des anciens combattants, des Gardes civiques républicaines, des familles de prisonniers et déportés, des victimes du nazisme et du vichysme, des commerçants, des artisans et des diverses organisations patriotiques et d’intérêt local. Chacune de ces assemblées enverrait ses délégués aux Etats généraux de la localité. Ces derniers, agissant sous l’impulsion du Comité local de la Libération, établiraient le programme local sur la base de la charte de la Résistance et entraineraient la population àl’action créatrice pour la reconstruction de la France. En outre, les Etats généraux locaux pourront résoudre le problème des listes uniques de la Résistance pour les futures élections municipales. Enfin, la réunion des Etats généraux locaux serait le prélude des Etats généraux des départements et ceci ouvrirait la voie aux Etats généraux de la nation tout entière.
- Ainsi, d’une manière démocratique, il serait procédé àla désignation des délégués aux Etats généraux de la Renaissance française. Manifestation d’union de la Résistance, les Etats généraux dresseraient le programme concret de la reconstruction de la France et de sa restauration dans la grandeur, au premier rang des nations libres, et discuteraient de la nouvelle constitution républicaine et démocratique de la France qui permettrait de donner au pays un gouvernement du peuple, élu par le peuple pour le peuple.

- Au cours de la Révolution française de 1789, le mouvement des masses avait créé des formes d’organisation nouvelles que les philosophes n’avaient pas prévues. A nouveau dans la lutte pour l’indépendance nationale, le peuple de France a trouvé les moyens d’exprimer sa volonté démocratique et de défendre l’ordre républicain : ce sont les Gardes civiques républicaines, le Conseil national de la Résistance, les Comités de Libération et les Etats généraux de la Renaissance française.
- L’ordre républicain est une condition de l’unité nationale. Quand un gouvernement entre en lutte contre l’ordre républicain, quand il brise avec la légalité nouvelle, il divise la nation. Il ouvre la voie àla guerre civile et àl’intervention étrangère. Telle est l’histoire du gouvernement belge de M. Pierlot. Dans la lutte contre l’ennemi, le peuple belge était uni. M. Pierlot entend gouverner contre la Résistance, il entend désarmer les forces militaires de la Résistance. Résultat : désordre, anarchie, arrêt dans la reprise économique, début de guerre civile, interventions de l’étranger. La Yougoslavie unie, sous la conduite du maréchal Tito respectueux des libertés démocratiques, nous révèle par contre que la confiance dans le peuple est dans un pays l’élément essentiel de la cohésion et de l’ordre.

LE ROLE DES COMMUNISTES

- Les communistes ont de grandes tâches àaccomplir. Jamais leur influence n’a été aussi grande dans tous les milieux : ouvriers, paysans, petits commerçants, intellectuels ou techniciens. Ce crédit ne doit pas être gaspillé, disait Jacques Duclos le 27 octobre 1944.

- Les communistes doivent être les champions de l’union
- Maurice Thorez le rappelait dans son discours du 30 novembre :
- Nous entendons travailler de toutes nos forces au renforcement de l’unité agissante entre tous les bons Français.
- Les contacts se multiplient entre le Parti socialiste et le Parti communiste ; les communistes se réjouissent des projets d’union entre le Front national et le Mouvement de libération nationale. Chez eux, il n’y a aucune place pour la peur de l’union. Ils veulent l’union de tous les bons Français, ce qui élimine les seuls qui, d’eux-mêmes, se sont placés en-dehors de la communauté : les traitres et les saboteurs. L’ennemi cherche àdiviser les Français. C’est sa seule chance de succès. Il multiplie les manÅ“uvres - et les communistes ne doivent tomber dans aucun piège. Par des insinuations provocatrices, les trotskystes agents de l’hitlérisme tenteront d’opposer catholiques et non-croyants, paysans et citadins. Les communistes tendent la main aux travailleurs catholiques et entendent s’unir avec eux dans le respect des convictions de part et d’autre et de la laïcité de l’état. On dit aux ouvriers que les difficultés du ravitaillement exaspèrent : C’est la faute aux paysans ! Les communistes se feront les défenseurs de l’entente entre les villes et les campagnes. Ils montreront que la vie chère est le fait des hommes des trusts et non des paysans. La démocratie antipaysanne diviserait la nation et jetterait les paysans vers le néo-fascisme dont ils seraient d’ailleurs les premières victimes.
- C’est ce souci d’union qui explique la position prise par les communistes devant les élections de février 1945. Les communistes estiment que ces élections sont prématurées du fait que deux millions d’électeurs sont absents et que tous les efforts doivent être tendus vers l’union pour la guerre. Si malgré tout ces élections ont lieu, elles doivent être une occasion de rassemblement et non de division. C’est pourquoi le Parti communiste approuve les propositions du Front national qui tendent àla constitution de listes uniques de la Résistance dès le premier tour.

- L’union est une union pour l’action
- Les communistes ne considèrent pas que l’union est àelle seule un remède. On peut s’unir pour jouer aux boules, on peut s’unir pour ne rien faire. L’union voulue par les communistes est une union agissante, une union pour la guerre et pour la Renaissance française. Cette union a sa charte, c’est elle qui a été établie par le Conseil national de la Résistance et que le Général De Gaulle a acceptée. Ce programme d’action permet de réaliser le rassemblement de tous les Français non point autour d’un homme, non point autour d’un parti, non point même autour d’une classe sociale, mais autour de la France elle-même. Les communistes répandront ce texte, ils en étudieront les paragraphes essentiels et, comme jadis les Jacobins veillaient au respect de la loi, ils veilleront au respect de la charte.

- Les communistes doivent être présents partout
- L’ennemi de la France s’insinue partout. Il cherche àutiliser le moindre mécontentement. Pour riposter et défendre l’intérêt français, les communistes doivent être partout, eux aussi ; dans les syndicats en premier lieu, mais aussi dans le Mouvement national des prisonniers et déportés, dans les comités de sinistrés et de ménagères, dans le mouvement France-URSS comme dans les différentes organisations de solidarité, dans le Front national comme dans les Comités de Libération des entreprises et des bureaux. Dans ces groupements, le communiste agit sans sectarisme. Il est un ferment d’unité pour l’action. Il n’impose pas son opinion, mais il ne la dissimule pas non plus. Il s’efforce, par son sérieux, son enthousiasme, la précision concrète de ses suggestions et son dévouement, de prendre une part active àla vie de l’organisation.

- Les communistes sont des réalisateurs
- On dit souvent : les communistes critiquent bien, nous voudrions bien les voir àl’Å“uvre ! Le moment est venu, pour les communistes, de se montrer les meilleurs réalisateurs. Deux communistes sont membres du gouvernement provisoire de la République. Certains autres administrent des villes ou des villages. Des milliers sont àla tête des syndicats. Notre parti est un parti d’action. Il formule des propositions précises quant àla solution des problèmes actuels. Il apporte au gouvernement provisoire un soutien actif dans tout ce que fait le gouvernement pour mener la guerre àbien et reconstruire la France. Mais il fait des observations, étayées sur les faits, sur tout ce qui est sabotage des intérêts français. Ces observations ne sont pas négatives : elles renferment toujours des propositions constructives. C’est un exemple pour tous les communistes, àquelque poste qu’ils soient, et quelle que soit la gravité de leurs responsabilités.

- La lutte sur les deux fronts
- C’est dans la lutte sur les deux fronts que le parti communiste s’est forgé. Cette lutte reste indispensable, bien qu’elle revête des aspects nouveaux. Il faut combattre un certain opportunisme qui consisterait en une sorte de paralysie du parti, qui nous obligerait au silence quand notre devoir est de dénoncer ce qui va mal, qui nous réduirait àune sorte de « suicidisme », qui voudrait émousser notre lutte contre les trusts sous le faux prétexte de l’unité nationale. Cet opportunisme, né de l’esprit munichois, desservirait le parti et la France.
- Il est un deuxième adversaire : c’est le sectarisme, qui isolerait les communistes du reste de la population, les couperait des paysans et de la petite bourgeoisie et, oublieux de l’objectif de l’heure (finir la guerre), diviserait la nation face àl’ennemi. Notons que cet opportunisme et ce gauchisme, en apparence opposés, serviraient tous les deux la cause de l’hitlérisme.

CONCLUSION

- Ce cours avait pour objet : d’abord de rappeler les principes d’une politique communiste, et ensuite de caractériser la politique actuelle du parti communiste français.
- Deux faits doivent être tout particulièrement mis en relief :

  1. notre politique est essentiellement réaliste ; elle tient compte des situations concrètes, elle crée donc pour tout communiste un devoir primordial qui est d’étudier le milieu où il vit, pour en mieux connaître les aspirations et lancer ainsi des mots d’ordre qui trouveront un écho ;
  2. notre politique est nationale ; tout au long de ce cours comme dans les précédents, il nous est apparu àchaque instant que l’intérêt de la classe ouvrière coïncidait avec l’intérêt de la nation ; c’est pourquoi notre parti ne fait qu’un avec la nation.

    Bibliographie

    - Staline, Des principes du léninisme, chapitre 7
    - Maurice Thorez, Travailler et se battre, discours du 30 novembre 1944
    - Jacques Duclos, Le communisme et l’ordre, conférence du 15 novembre 1944
    - Maurice Thorez et Jacques Duclos, S’unir pour vaincre le fascisme et reconstruire la France, discours du 14 décembre 1944
    - Jacques Duclos, Discours àl’Assemblée consultative provisoire, le 27 décembre 1944

- Collection la vie du parti

P.-S.

- brochure rédigée au mois de décembre 1944

- Leçon 10 : les questions d’organisation du parti

- Leçon 8:le parti

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