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Terrorisme contre communisme

Tarnac : « Ils » voient des terroristes partout !

vendredi 19 décembre 2008, par Jean-Pierre Combe

- Rappelons-le : le profit est l’une des deux parts de la valeur ajoutée par le travail àla matière première et àtous les produits intermédiaires pour produire la marchandise ; l’autre part de cette même valeur ajoutée est le salaire total versé aux travailleurs qui ont participé àla production de ces marchandises, depuis l’extraction des matières premières jusqu’àla présentation au client.

- Les plus sophistiquées des formules technocratiques dont font usage les porte-paroles de la bourgeoisie ne peuvent ni ne pourront jamais masquer ce fait.
- Il a une conséquence directe et inéluctable : lorsque les entrepreneurs capitalistes se livrent àla course au profit, ce qui est leur mode d’existence, leur compétition cause directement et immédiatement la dégradation des conditions de vie de tous les membres du peuple (c’est ce que nous observons aujourd’hui en France) et conduit tout droit la population, catégorie par catégorie, àla misère la plus noire (tel est déjàle lot de tous les privés d’emploi, de tous les titulaires de revenus d’assistance, de tous les titulaires d’emplois précaires de France et de Navarre, et depuis quelques années, ce sont les travailleurs salariés au SMIC et les travailleurs retraités que le capitalisme enfonce dans la misère !).
- La misère insupportable et inadmissible des membres du peuple de France, qui croît jusqu’au désespoir, tel est bien le contexte des évènements que nous vivons, en en particulier de ceux dont il est ici question.
- Depuis des mois en France, de graves incidents provoquent d’importants retards dans la circulation de toutes les catégories de trains ;
- ils ont en général pour cause des défaillances du matériel, notamment des ruptures de caténaires, ce qui met en cause l’insuffisance quantitative et qualitative des moyens consacrés par la SNCF, puis par la SNCF et le Réseau ferré de France (RFF) àla maintenance de ces matériels : depuis des décennies, la CGT et d’autres syndicats de cheminots, ainsi que les communistes, dénoncent cette insuffisance, qui résulte de la volonté de réduire ces dépenses, afin d’augmenter les profits.
- Dans les quelques dernières semaines précédant le mois de novembre 2008, le public a été informé de quelques nouvelles ruptures, cette fois vraisemblablement dues àdes sabotages contre lesquels la SNCF avait porté plainte. Les historiens étudieront bientôt, et certainement avec grand intérêt, les commentaires dont les différents organes de presse (écrite ou parlée aussi bien que télévisée) ont accompagné cette information.
- C’est dans ces circonstances qu’est intervenue, le 11 novembre 2008, l’opération policière de Tarnac et autres lieux, au cours de laquelle quelques habitants de cette commune ont été interpelés et mis en garde àvue ; elle nous fut annoncée moins de trois heures après qu’elle ait commencé et sans doute même avant d’être terminée.
- Selon les informations télévisées, elle a été menée par cent cinquante hommes cagoulés, armés et armurés, qui ont bouclé le village vers six heures du matin, et aussitôt perquisitionné l’épicerie du bourg et une ferme sise au lieu-dit « le Goutailloux », interpelant l’un des deux épiciers et plusieurs des habitants de la ferme, et les mettant en garde àvue.
- Les habitants de Tarnac ont profondément ressenti que cette opération et le décorum àgrand spectacle dont elle se parait leur faisaient violence àeux-mêmes, àleur commune et au-delàmême de la commune : les honnêtes citoyens de Tarnac ont eu tout lieu de se sentir visés, et beaucoup d’entre eux se sont bien senti visés.
- Cette opération nous a été annoncée très rapidement : le 11 novembre entre huit et neuf heures du matin, nous avons pu voir dans nos postes de télévision une séquence d’informations dans laquelle intervenaient des journalistes que j’estime être parmi les plus proches du gouvernement, la ministre de l’Intérieur, le PDG de la SNCF et un procureur.
- Au cours de cette séquence, les journalistes ont dit que l’opération avait permis d’interpeler les auteurs des attentats et de perquisitionner chez eux, et qu’il s’agissait de personnes appartenant « Ã une organisation d’ultra-gauche anarchiste ».
- Le procureur, spécialisé dans la lutte antiterroriste, a précisé que les perquisitions avaient permis de trouver des preuves reliant certainement les personnes arrêtées aux attentats ou àl’un des attentats qui avaient causé des ruptures de caténaires.
- Le PDG de la SNCF se réjouissait de ce qu’il n’y avait pas de cheminots parmi les personnes arrêtées.
- Quant àla ministre de l’Intérieur, elle a affirmé avec toute son autorité que la SNCF avait été visée « parce qu’elle est un symbole de l’Etat ».
- Ces personnes différentes sont intervenues dans les différents moments de cette séquence d’informations pour dire des choses différentes ; les journalistes assuraient les transitions en annonçant que le moment suivant allait continuer d’informer sur le même sujet ; ils assuraient aussi la structure d’ensemble de la séquence en reliant les uns aux autres ses différents moments, et donc aussi les propos qui y étaient tenus ; l’ensemble constituait une seule unité d’information, exposant une thèse.
- Quel est cette thèse ?
- Les journalistes n’ont pas pris la précaution de donner leur annonce au conditionnel ; ils ont parlé comme si la responsabilité des personnes interpelées dans ces attentats était avérée, comme si cela avait été clairement établi et reconnu : ils ont parlé de ces personnes comme on parle de coupables.
- L’intervention du procureur affirmait l’existence de preuves et excluait l’existence de quelque doute que ce soit.
- Que signifie l’intervention du PDG de la SNCF, àpart la caution apportée par sa présence àla thèse de l’émission ?
- La ministre de l’Intérieur a lancé un bobard : la SNCF n’est pas un symbole et ne l’a jamais été ; en vérité, c’est une entreprise dont l’objet est de transporter par voie ferrée les personnes et les biens, et cela n’a rien de symbolique !
- En faisant de la SNCF un symbole de l’Etat, la ministre de l’Intérieur substituait l’Etat àla SNCF comme cible des attentats : par cette substitution, elle collait sur les attentats l’étiquette de « terroriste de gauche », et fermait du même coup toutes les autres pistes : elle a ainsi assigné une direction àl’enquête, au risque de protéger les véritables coupables.
- Ainsi, avant même que l’opération policière soit terminée, l’information télévisée nous a adressé une thèse officielle confirmée comme telle par la ministre de l’Intérieur : selon cette thèse, la police a arrêté le 11 novembre 2008 des anarchistes d’ultra-gauche, auteurs des attentats commis contre la SNCF ; cette affaire étant de cette manière totalement éclaircie, il n’y avait plus qu’àjuger et condamner les personnes arrêtées.
- Mais sur quelques points capitaux le droit de notre pays et ses règlements judiciaires sont clairs : le 11 novembre 2008, l’enquête concernant les personnes arrêtées àTarnac, puis leur procès, s’ils étaient conduits loyalement, pouvaient encore faire la preuve de leur innocence ; l’information télévisée le 11 novembre au matin a écarté cette éventualité : par là, elle a violé le droit démocratique, violé les principes républicains qui le fondent ; elle a anticipé non seulement sur l’enquête, mais aussi sur le procès et sur le jugement, d’une manière absolument inadmissible.
- L’affaire est grave : présenter aux policiers et aux magistrats une thèse officielle, c’est leur assigner la preuve qu’ils doivent désormais faire, le jugement qu’ils doivent prononcer, c’est les écarter du souci de rechercher la vérité !
- Mais dans de telles conditions, que devient la fiabilité de l’enquête, et que devient l’autorité du jugement qui concluera l’épisode judiciaire de cette affaire ? La ministre a fêlé d’un grand coup de masse la fiabilité de la police judiciaire et l’autorité de la chose jugée. Quant au président de la République, il a manqué àson devoir, qui était de rappeler sa ministre àl’ordre constitutionnel !...
- Le 11 novembre 2008, il y a eu intrusion du gouvernement dans le fonctionnement de la police judiciaire et de la justice. Une fois de plus !
- La raison d’Etat fait mauvais ménage avec la justice !...

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