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En Gouadeloupe, nouvelle étape de la lutte

rédigé le 11 mars 2009

mercredi 18 mars 2009, par Jean-Pierre Combe

- Les travailleurs gouadeloupéens ayant obtenu que soit satisfaite leur revendication vitale d’une augmentation de 200 euros des bas salaires, le LKP (Liyannaj kont Pwofitasyon - union contre la profitation), qui organise leur lutte actuelle, a accepté de participer àune cérémonie de signature d’un accord marquant l’étape atteinte par la négociation ;

- les commentaires de nos institutions d’information tentent de nous faire croire que le conflit est terminé.
- Mais c’est àtort : un partenaire essentiel des négociations, le MEDEF, ne signe pas, et les propriétaires de la quasi-totalité de l’économie de l’île ont annoncé qu’en tout état de cause, ils ne paieraient pas. Le conflit n’est donc pas terminé, et il est nécessaire de comprendre pourquoi.
- Quelles raisons peuvent pousser ceux qui encaissent les profits àrefuser de payer un salaire un peu moins injuste, un salaire qui sort un peu le salarié de la misère qu’il subit ? Il n’y en a qu’une : ces profiteurs considèrent que le travail des ouvriers leur est dà» en dehors même de toute considération de salaire ; travaille, et tu verras bien après si je te donne un peu d’argent ! Seulement, ce sont les sociétés d’esclavage qui définissent ainsi la place des travailleurs ! Mais l’esclavage est un crime contre l’Humanité ! Nous devons combattre toutes les tentatives de rétablir l’esclavage, pour les faire cesser : s’ils agissent solidairement, les travailleurs des départements et territoires d’outre-mer et ceux de métropole y parviendront !
- Les travailleurs gouadeloupéens n’ont pas oublié l’esclavage, et c’est bien pourquoi Elie Domota leur a donné en Créole, langue que les profiteurs de l’île comprennent aussi, la réponse dont je donne ici la traduction en Français diffusée le 9 mars au matin par la chaîne France 24 : « tous les entrepreneurs qui refuseraient de payer l’augmentation de 200 euros des plus bas salaires devront quitter la Gouadeloupe ! Je ne veux pas laisser une bande de békés rétablir l’esclavage ! » Car c’est aussi la vérité : les propriétaires de la quasi-totalité de l’économie de l’île, ceux qui encaissent les profits résultant du travail fait en Gouadeloupe, sont tous, ou àtrès peu près, des descendants des propriétaires de plantations de l’Ancien Régime, celui d’avant 1789, et leurs ancêtres faisaient travailler des esclaves, au moins jusqu’àla date de la deuxième abolition, en 1848 ; ces propriétaires terriens se marient entre eux depuis toujours, et encore jusqu’àaujourd’hui ; il ne faut pas croire que le but de leur endogamie soit la préservation de la race blanche, cela n’est absolument pas leur véritable souci : leur but, lorsqu’ils se marient, c’est de ne pas diviser les objets de la propriété familiale, de ne pas diviser la terre ni (aujourd’hui) les entreprises par lesquelles ils encaissent le profit. L’apparence raciale de leur groupe n’est ni la cause ni l’objectif de leur comportement, mais seulement une conséquence dénuée de signification réelle, secondairement inscrite dans les couleurs de leurs visages, et dont ils se servent dans leurs rapports avec les autres Gouadeloupéens : ils s’en servent eux-mêmes pour combattre le principe d’égalité en droits inscrits dans toutes les Déclarations des Droits de l’Homme et du Citoyen, et pour combattre ces droits.
- On le voit, le conflit vient de se révéler beaucoup plus profond qu’il semblait d’abord ; sa profondeur est encore accrue par la plainte déposée en justice contre Elie Domota pour « incitation àla haine raciale ».
- Mais dans cette déclaration, où peut-on voir une incitation àla haine raciale ? Il n’y en a pas ! La réalité essentielle du groupe endogame des Békés n’est pas l’hérédité biologique : leur endogamie (le fait qu’ils se marient entre eux) ne leur sert pas àautre chose qu’àpréserver leur place privilégiée dans l’économie de l’île et plus généralement dans l’économie du système que la France a hérité du colonialisme et intégré àl’économie du pays.
- Si la justice est administrée selon l’exigence populaire qui a inscrit les Droits de l’Homme et du Citoyen dans notre constitution, les plaignants seront déboutés de leur plainte. La déclaration d’Elie Domota ne contient pas d’appel àla haine raciale : ce qu’elle contient, c’est une déclaration de guerre àl’esclavage, un appel àla mobilisation de toutes celles et de tous ceux que l’esclavage menace, de toutes celles et de tous ceux que l’esclavage atteint déjà, afin que le peuple s’oppose aux prétentions des esclavagistes, qu’il les désarme, qu’il les disperse, qu’il les ramène enfin au rang des humains !
- Il n’y a rien d’autre que cela dans cette déclaration, mais c’est important, car la mobilisation dont il s’agit nous concerne aussi, tous ensemble et dès aujourd’hui !
- Les travailleurs français sont en effet menacés et déjàatteints par les tendances esclavagistes du capitalisme : nous relevons de telles atteintes dans ces usines dont les propriétaires ont réussi àimposer aux salariés de travailler un plus grand nombre d’heures sans être payés davantage, ce qui revient pour eux àtravailler gratuitement une partie de leur temps ; la menace ne fait pas de distinction entre travailleurs gouadeloupéens, travailleurs martiniquais, travailleurs réunionais et travailleurs métropolitains : nous sommes menacés solidairement. Examinons en effet la question : l’augmentation de 200 euros des bas salaires gouadeloupéens, qui la paiera ?
- Aux termes que les institutions de l’information nous donnent comme ceux de l’accord signé, c’est l’Etat qui compensera la carence volontaire des profiteurs de l’île. C’est-à-dire, nos impôts, et nous savons bien que grâce au mécanisme de la TVA, l’impôt des Français est payé par les plus pauvres et par les travailleurs ! Est-il juste que ceux qui amassent le profit qu’ils prélèvent sur le travail des Gouadeloupéens, et aussi sur leur non-travail, car ils exploitent même les innombrables chômeurs de l’île, est-il juste que ceux-làne paient pas les deux cent euros d’augmentation des plus bas salaires de l’île ?
- Et si ces deux cent euros sont prélevés sur nos impôts, comment pourrions-nous accepter de les appeler une augmentation des salaires ?
- Cela signifie que la mauvaise volonté des profiteurs gouadeloupéens étend le conflit àla métropole ; et pour que les riches, qui prélèvent d’énormes profits sur l’économie de l’île, paient ce qu’ils doivent aux travailleurs gouadeloupéens, parce qu’en vérité ils le leur doivent, il va falloir étendre la grève àla métropole aussi : c’est une forte raison qui s’ajoute aux raisons de nous mettre en grève qui s’accumulent de jour en jour ; les travailleurs des départements et territoires d’outre-mer ont eu raison de ne pas attendre après notre solidarité : n’attendons pas davantage pour défendre nos propres intérêts en solidarité avec eux ! C’est le moyen de lutter contre l’escroquerie tentée contre tous les travailleurs des DOM-TOM et de la métropole par ceux qui les exploitent, dont le syndicat professionnel est le MEDEF et que sert le gouvernement, aujourd’hui de Monsieur Sarkozy !

P.-S.

- Lisez aussi Aux sources du racisme

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