Ami de l’égalité
Accueil > Problèmes de la révolution > Problèmes du communisme > Du « on dit » à la réalité : trois réponses à El (...)

Du « on dit » àla réalité : trois réponses àEl Diablo

dimanche 22 août 2010, par Jean-Pierre Combe

- Sur le sympathique blog El Diablo, je viens de trouver trois thèmes qui m’ont intéressé :

  • Les classes sociales n’existeraient plus, ce qui justifierait que l’« on » ne parle plus de la classe ouvrière ;
  • l’effondrement de l’URSS prouverait que « le communisme, cela ne marche pas » ;
  • l’Etat ne devrait pas opprimer les citoyens.

El Diablo :

- On entend dire : les classes sociales n’existent plus. Les différences sont moins marquées, la classe ouvrière c’est fini, ne subsiste qu’une classe moyenne au sein de laquelle s’est instaurée une certaine égalité...
- Dans la réalité, l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de s’accroître. Il a plus que doublé en trente ans au niveau mondial. 10% de la population française vit des minima sociaux (soit 40% d’augmentation depuis 1975) ; 12% se situent sous le seuil de pauvreté (3500 Francs par mois et par personne selon l’OCDE).

Les classes sociales n’ont pas disparu, ça non !

- Les différences extérieures que présentent les comportements des uns et des autres ne sont pas, et n’ont jamais été la réalité essentielle des classes sociales : il y a en France des salariés parfaitement exploités dont le revenu mensuel est supérieur àcelui de certains propriétaires d’actions, éventuellement chefs d’entreprise, tout-à-fait conscients d’être des exploiteurs.
- Le mode d’existence des classes sociales n’est pas la richesse des uns et la pauvreté des autres : c’est le fait que les exploiteurs vivent du profit prélevé sur ce que le travail matériel a produit, alors que les exploités vivent du prix auquel leur est payée la force de travail qu’ils ont dépensée àassurer la production des biens matériels.
- Une seule nouveauté véritable est advenue au cours des quarante dernières années écoulées : c’est qu’une partie du travail matériel est assurée au moyen de machines mises en mouvement par l’intermédiaire d’automates et d’ordinateurs dont le mouvement est déterminé, toujours par un intervenant humain, individu ou équipe, mais par le moyen de programmes.
- L’analyse du rapport qui relie le travail des informaticiens concepteurs et rédacteurs de ces programmes (chacun, je crois, reconnaît facilement que ce travail est de nature intellectuelle), l’ensemble des processus consistant dans les mouvements des machines et des matières àtravailler qui évoluent selon ces programmes (et sans doute pouvons-nous considérer ces évolutions comme du travail matériel) et le travail que continuent de faire des ouvriers, soit àla main, soit au moyen d’outils mécanisés, cette analyse n’est pas encore faite de manière satisfaisante, il s’en faut de beaucoup !
- Ce défaut d’analyse est précisément la source d’innombrables et profondes illusions, diffusées avec un soin jaloux, dans la classe ouvrière et parmi les intellectuels susceptibles d’être tentés par l’alliance avec elle, par les idéologues mercenaires des capitalistes ; de plus, cette source est copieusement abondée par ces mêmes idéologues.
- Ce rapport, assure-t-il la fin de la lutte des classes ? Assure-t-il même seulement une certaine égalité, même seulement parmi les membres des « couches moyennes" ? Assure-t-il un début d’absorption des ouvriers travaillant de leurs mains dans « la couche moyenne ? »
- Elle serait finie, la lutte des classes ?
- Paix, dit le loup aux moutons qu’il entreprend de dévorer !

El Diablo :

- On entend dire le communisme ça ne marche pas, regardez l’URSS qui a disparu...
- En fait la réalité est beaucoup plus complexe. Selon nos propres critères de développement, l’ex-URSS était passée en trente ans du rang de énième puissance d’Europe àcelui de deuxième puissance mondiale tenant la dragée haute aux USA et àson impérialisme aujourd’hui débridé (guerre du Golfe, Afrique, ex-Yougoslavie, Afghanistan, Irak...). Dans cette période, le travailleur soviétique n’avait jamais connu un tel niveau de vie. Aujourd’hui, la Russie « libérale » de Poutine est au bord du gouffre : l’espérance de vie est en chute vertigineuse. Ces dernières années, la misère, la prostitution y ont progressé de façon considérable et partout c’est le règne de la mafia. C’est vrai, le socialisme soviétique n’était pas le paradis ; sans vouloir faire des comparaisons hasardeuses ont pourrait poser la question suivante : y avait-il plus d’écart entre l’espoir marxiste et la réalité de l’URSS qu’entre le message du Christ et le bilan du catholicisme ? Pourtant, quel chrétien renoncerait au message des Evangiles àcause des exactions commises par l’Eglise en leur nom ?

Ça ne marche pas, le communisme ?

- Pour que l’effondrement de l’URSS en soit la preuve, il faudrait que l’URSS ait été bien plus qu’une réalisation du communisme : il faudrait qu’elle ait été le résultat de l’affrontement terminal de la lutte des classes : il faudrait que la Révolution commencée en octobre 1917 se soit terminée par la victoire complète du prolétariat, celle qui doit mettre fin àla lutte des classes, et que l’URSS ait été le produit de cette victoire.
- Il faut au moins reconnaître qu’il n’en a rien été !
- Depuis la Révolution d’octobre 1917 et jusqu’àla mort de Staline, nous, les communistes, savions que les anciennes classes qui avaient exploité les peuples de l’Empire des Tsars de Russie n’ont pas disparu : leur destin fut celui de toutes les classes dominantes et exploiteuses lorsqu’elles sont chassées du pouvoir et fragmentées par les révolutions :

  • leurs fragments les plus visibles et les plus actifs dans l’oppression des peuples se réfugient àl’étranger, où ils apportent une contribution d’importance décisive àtoutes les forces sociales et politiques les plus durement vouées àla sauvegarde des systèmes d’inégalités : c’est ainsi que le fascisme, le nazisme et toutes les autres variantes européennes du racisme ont reçu deux vagues d’importants renforts en effectifs combattants souvent fanatiques et en moyens matériels et financiers : la première en 1919-1920, suivit la défaite infligée aux armées blanches par l’Armée rouge des Ouvriers et des Paysans, et la seconde en 1945-1947, consécutive aux défaites des grandes bourgeoisies et des aristocraties terriennes des pays d’Europe centrale d’où l’Armée soviétique venait de chasser les troupes du nazisme, celles du fascisme, celles de leurs supplétifs locaux et les gouvernements au service de l’empire hitlérien ;
  • d’autres fragments des anciennes classes exploiteuses restent dans le pays de leur ancienne dictature : dans l’ancien empire des Tsars, certains de leurs membres se sont sincèrement ralliés au mode soviétique de gouvernement (au « pouvoir soviétique »), tandis que d’autres se sont attachés àmaintenir toutes leurs anciennes relations, sans excepter leurs relations avec des exilés membres de leurs coteries, de leurs clubs, de leurs familles, en général avec des membres de leur classe sociale : parmi ceux-ci, les plus imbus de leurs anciens privilèges se sont remis àcomploter pour renverser le pouvoir des Soviets, en y investissant toute leur haine de ce peuple qui ne leur obéïssait plus ; dans les pays que l’Armée soviétique avait libérés du nazisme et du fascisme, les mêmes évolutions ont eu lieu après 1945.

- Il n’y a làrien de bien nouveau : aux temps de la Révolution française de 1789, les aristocrates, émigrés ou non àCoblence, l’avaient déjàfait ! Et l’expérience que nous en avons gardée nous fonde àdire que s’il est vrai qu’il y a eu des crimes lorsque Staline dirigeait l’URSS (et c’est vrai qu’il y en a eu : sauf qu’ils ont fait incommensurablement moins de victimes que ce que prétendent les idéologues mercenaires de la bourgeoisie capitaliste), il ne fait pas de doute que les membres des fragments des anciennes classes exploiteuses portent une très grande part de la responsabilité de ces crimes !
- Cette réalité est invisible aux yeux de quiconque se refuse àvoir que la prise du pouvoir politique par la classe exploitée n’est pas la fin de la lutte des classes : jusque vers 1954, les communistes français en avaient conscience, et seule, la propagande bourgeoise développait en France la thèse contraire, selon laquelle la guerre civile révolutionnaire ayant commencé le 7 novembre 1917, la lutte des classe aurait cessé lorsque cette guerre civile s’est terminée.
- C’est Nikita Serguéïévitch Khrouchtchev, lorsqu’il a pris le pouvoir en URSS, qui a développé la thèse selon laquelle l’URSS en avait fini avec la lutte des classes, et c’est lui qui a mis les philosophes soviétiques àla tâche de démontrer qu’il n’y a pas, qu’il ne saurait y avoir de contradictions dans le socialisme. Il a pris cette orientation aussitôt après avoir lu devant le vingtième congrès du PCUS le fameux rapport dont le bureau politique du Parti communiste français, selon le témoignage de Jacques Duclos, estimait qu’« il contenait des invraisemblances et des contradictions », et qui est encore, avec le rapport lu par le même Secrétaire général devant le vingt deuxième congrès du PCUS, la source principale de la thèse selon laquelle Staline serait seul coupable des crimes commis lorsqu’il dirigeait l’URSS.
- Par ces deux rapports en vérité, Khrouchtchev a blanchi les saboteurs et criminels qui agissaient au nom d’un retour àl’Empire des Tsars, et ce fut la première étape du coup de gomme par lequel la lutte des classes en URSS fut effacée du raisonnement des gouvernements soviétiques : où est le communisme dans l’URSS khrouchtchevienne et post-khrouchtchevienne ?
- Non ! l’effondrement de l’URSS ne prouve pas que « le communisme ne marche pas » : il prouve seulement que le renoncement àla lutte des classes par un gouvernement issu de la Révolution est la sà»re voie de la défaite des peuples et du rétablissement de leur asservissement !

El Diablo

- On entend dire l’Etat c’est ringard, il opprime les citoyens...
- N’oublions pas que le rôle de l’Etat c’est ou ça devrait être d’abord de venir en aide aux plus faibles àtravers ses missions de service public : santé, éducation, transports...

L’Etat, àquoi ça sert ?

- L’idée d’attribuer àl’Etat le rôle d’une providence dont les missions s’organiseraient pour veiller àla sauvegarde des plus faibles en assumant les fonctions de service public, cette idée a deux caractères importants :

  • D’abord, si nous la confrontons àl’histoire des sociétés, et pas seulement de la société française, nous devons lui reconnaître le caractère d’un rêve utopique et irréaliste.
  • Mais aussi, si nous prenons en compte la propre histoire de cette idée, nous devons constater qu’elle renaît très rapidement dans les peuples, après et malgré chacune des déceptions de masse qu’elle subit par le fait des démentis que lui apporte sans cesse l’histoire sociale.

- En fait, chacun de ces démentis rappelle aux peuples que l’Etat est au service des classes exploiteuses pour maintenir et perfectionner l’exploitation des peuples par les classes dominantes, que sa mission essentielle est de soumettre les peuples àl’exploitation, et que toutes les institutions qui le composent sont organisées pour contribuer àce maintien, àce perfectionnement et àcette soumission.
- Pourtant, l’illusion que la mission de sauvegarder les plus faibles incombe àl’Etat renaît toujours ; il faut mettre cette perpétuelle renaissance en relation avec le caractère que la sélection naturelle, se transformant en sélection sexuelle, a donné àune population de grands hominidés, ce qui a eu pour effet de transformer cette population d’hominidés en l’espèce humaine : ce caractère, c’est le comportement par lequel les groupes assurent la survie des plus faibles de leurs membres, et notamment, mais pas seulement, des jeunes, depuis la naissance jusqu’àl’âge adulte. Nous devons cette découverte scientifique majeure àCharles Darwin.
- Que les membres des peuples en général, et du nôtre en particulier, regrettent sans cesse que l’Etat n’assume pas cette fonction de sauvegarde des plus faibles témoigne de ce que l’espèce humaine ou le genre humain, c’est-à-dire notre humanité, n’a pas perdu ce caractère qui l’a distinguée des autres espèces animales.
- L’histoire de France nous propose d’autres tels témoignages de ce que ce caractère n’est pas perdu : au premier rang de ces témoignages figurent les progrès de la philosophie qui sont résultés des grandes découvertes scientifiques de la Renaissance et des siècles suivants, je veux dire, les Lumières philosophiques, ainsi que les Déclarations des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, puis de l’an 1 de la République et plus généralement, les conditions que les rédacteurs de la première constitution républicaine de la France ont entrepris d’inscrire dans cette Constitution : tous ces progrès de la connaissance et de la philosophie humaines, ainsi que le projet d’organisation de toute la société inscrit dans ces déclarations des droits de l’homme et du citoyen et dans le texte de la première constitution républicaine de la France ramènent ceux qui les étudient vers ce caractère essentiel de l’humanité, le besoin de porter assistance aux plus faibles de ses membres.
- Au début du printemps de l’an 2 de la République (printemps 1794), la Constitution de l’an 1 de la République a été présentée au peuple, en vue d’être approuvée ou rejetée par le suffrage direct des assemblées primaires de citoyens : canton par canton, ces assemblées approuvaient ce texte, et la consultation évoluaient vers une approbation massive : voilàencore un témoignage de ce que le caractère essentiel de l’humanité n’était pas perdu.
- C’est alors que la grande bourgeoisie a porté le coup d’Etat du 9 thermidor an 2 de la République (27 juillet 1794) : elle a ainsi mis fin àl’élaboration de la République et imposé que son Etat autoritaire soit l’organisateur et l’organisation, le maître de toute la société : afin de prendre la totalité du pouvoir, la bourgeoisie riche combattait cyniquement le caractère essentiel de l’humanité, que le peuple dans son ensemble n’avait pas perdu, dans l’intension de le faire disparaître définitivement des principes concrets d’organisation de la société !
- Dame : porter assistance aux plus faibles, cela coà»te, et cela coà»te d’autant plus cher qu’il s’agit de leur donner les moyens de ne plus être les plus faibles, et de les accompagner jusqu’àce qu’ils soient des citoyennes et des citoyens comme les autres, égaux en droits àchacun des autres !
- Je n’ai qu’une conclusion àproposer : l’Etat n’est pas la République, et seule, la République, la vraie, celle qui organise la souveraineté du peuple, peut organiser toute la société afin de mettre pleinement en activité la fonction de sauvegarde des plus faibles, qui donnera vie concrète au caractère essentiel de l’humanité. Vive la République !
- Mais la république bourgeoise, que nous connaissons aujourd’hui, est un Etat, pas une république !

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0