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En vérité, que veut dire nationaliser ?

samedi 23 avril 2011, par Jean-Pierre Combe

- C’est le volume des capitaux qu’ils possèdent àtitre privé qui donne aux plus gros propriétaires leur pouvoir politique illégitime et totalitaire : depuis 1794, ce sont eux qui répriment tous les progrès de la démocratie et qui rejettent les membres du peuple travailleur dans la misère.

- Cette expérience est la nôtre : elle montre le véritable obstacle, l’obstacle essentiel qui interdit aux habitants de notre pays de jouir du fruit de leur travail. Pour renverser cet obstacle, et pour le renverser définitivement, il faut confisquer les capitaux de ces gros propriétaires et tous les biens (les terres et les forêts, les mines, les usines, les entreprises de transport, les entrepôts, les maisons de commerce, les banques, les assurances et autres établissements financiers) que ces capitaux leur permettent de contrôler directement ou indirectement, et soumettre ces biens au mode national de la propriété.
- Il n’y a jamais eu en France de loi définissant le mode national de la propriété : la propriété nationale est donc encore une idée neuve.
- La société d’Ancien régime était constituée de la réunion de trois ordres dont les membres géraient leurs propriétés selon des règles propres àleur ordre : cela définissait trois modes de propriété, la propriété seigneuriale, la propriété ecclésiastique et la propriété bourgeoise, cette dernière assurant aux membres de la bourgeoisie une vie de confort qui les distinguait très nettement des autres membres du Tiers Etat ; la nation n’existant pas, la propriété nationale ne pouvait pas exister.
- Eclairés sur ce point par les Lumières philosophiques, les penseurs de la Révolution comprenaient que les humains se constituent en sociétés afin d’assurer àchacun le bonheur de vivre : cette idée les a conduits àdéclarer les droits nécessaires àla réalité du bonheur ; cette Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen pose en principe :

  • que le but de la société est le bonheur commun, que la mission du gouvernement est de garantir àl’Homme la jouissance de ses droits naturels qui sont l’égalité, la liberté, la sà»reté et la propriété ;
  • que la société a le devoir de secourir et d’instruire ses membres, et donne pour garantie àl’accomplissement de ces devoirs l’action de tous envers chacun.

- Mais les seuls principes que cette déclaration impose àla propriété sont :

  • que la personne n’est pas une propriété aliénable ;
  • et que nul ne peut être privé de la moindre parcelle de sa propriété, si ce n’est lorsque la nécessité publique l’exige.

- En somme, si nos premiers législateurs reconnaissent que la nécessité publique peut exiger qu’un citoyen soit privé d’une part de sa propriété, ils omettent de définir ce que deviennent les biens dont un citoyen aura été privé : la propriété publique est laissée au hasard des usages et des lois.
- En fait, nos législateurs n’ont pas pris conscience de ce que la Nation ne peut assumer ses devoirs que si elle devient propriétaire des moyens nécessaires àl’action nationale : en matière de propriété, la Révolution s’est contentée d’abolir les règles particulières aux ordres nobiliaire et ecclésiatique, et de soumettre désormais les biens qui en relevaient àla propriété bourgeoise ; elle n’a pas énoncé les principes fondateurs d’une propriété nationale.
- C’est pourtant pendant les temps révolutionnaires que Gracchus Babeuf montrait la nécessité de traiter les biens confisqués aux aristocrates émigrés et àl’Eglise autrement qu’en les soumettant aux règles de la propriété bourgeoise :
- selon lui, ces biens devaient devenir des biens nationaux inaliénables, dont des magistrats élus par le peuple auraient mandat de partager l’usage entre des paysans sans terre, afin qu’ils vivent de leur culture. Mais Babeuf était prolétaire : il n’a jamais été éligible àune Assemblée nationale, qu’elle ait été constituante ou simplement législative.
- Définissant la royauté restaurée, la charte de 1814, dans son article 9, tout comme le fera celle de 1830 dans son article 8, mentionne les propriétés qu’on appelle nationales en précisant qu’elles sont régies par les mêmes lois que les autres : le royaume restauré exclut la nation de toute autorité en matière de propriété, et dans le même temps, les anciens privilégiés s’apercevaient, avant même que les générations aient été entièrement remplacées, qu’ils se trouvaient fort bien d’être devenus des propriétaires bourgeois !
- La constitution du 4 novembre 1848, rédigée après le massacre des ouvriers que l’on appelle « les journées de juin », proclame dans l’article 6 de son préambule que des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République et la République envers les citoyens, sans rien dire d’une propriété nationale. L’article 13 du texte proprement dit de cette constitution est ainsi rédigé : La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l’industrie. - La société favorise et encourage (...) l’établissement par l’Etat, les départements et les communes de travaux publics propres àemployer les bras inoccupés, sans rien dire sur les conditions dans lesquelles ces travaux seront conduits.
- Jusqu’àla fin de la « troisième République » (21 octobre 1945), aucun texte constitutionnel n’a traité de la propriété.
- Par contre, les discussions constitutionnelles qui ont eu lieu de 1945 à1946 sont importantes :
- L’élection de l’Assemblée nationale, qui a eu lieu le 21 octobre 1945, était accompagnée d’un référendum, dont l’objet était de lui donner ou de lui refuser le mandat constituant : 73 % des électeurs ont voté pour donner ce mandat, 2 % pour le refuser, et 25 % ne se sont pas prononcés. C’est ce référendum qui a mis fin àla « troisième République ».
- Cette Assemblée a adopté un projet de constitution le 19 avril 1946 ; ce projet avait été rédigé dans l’atmosphère de fête démocratique consécutive àla Libération et dans laquelle on peut lire l’influence des orientations inscrites dans son programme par le Conseil national de la Résistance : c’est le premier texte constitutionnel français àavancer quelque peu dans la définition de la propriété nationale.
- Voici quelques extraits de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui y est inscrite :

1 Рdes libert̩s

- Article 1 :
- Tous les hommes naissent libres et égaux devant la loi.
- La loi garantit àla femme, dans tous les domaines, des droits égaux àceux de l’homme.

- Article 2 :
- Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans le peuple. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
- La loi est l’expression de la volonté nationale. Elle est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse, soit qu’elle oblige.
- Cette volonté s’exprime par les représentants du peuple.

- Article 3 :
- La liberté est la faculté de faire tout ce qui ne porte pas atteinte aux droits d’autrui. Les conditions d’exercice de la liberté sont définies par la loi.
- Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas.

- Article 4 :
- La loi garantit l’exercice légal pour tous des libertés et droits énoncés dans le présent titre : elle ne saurait y porter atteinte.

(...)

- Article 21 :
- Quand le gouvernement viole les libertés et les droits garantis par la Constitution, la résistance sous toutes ses formes est le plus sacré des droits et le plus impérieux des devoirs.

(...)

- Les articles suivants traitent expressément de la propriété :

- Article 34 : Les dommages causés par les calamités nationales aux personnes et aux biens sont supportés par la Nation. La République proclame l’égalité et la solidarité de tous devant les charges qui en résultent.

- Article 35 :
- La propriété est le droit inviolable d’user, de jouir et de disposer des biens garantis àchacun par la loi. Tout homme doit pouvoir y accéder par le travail et par l’épargne.
- Nul ne saurait en être privé si ce n’est pour cause d’utilité publique légalement constatée et sous la condition d’une juste indemnité fixée conformément àla loi.

- Article 36 :
- Le droit de propriété ne saurait être exercé contrairement àl’utilité sociale ou de manière àporter préjudice àla sà»reté, àla liberté, àl’existence ou àla propriété d’autrui.
- Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité.

(...)

- Selon ce projet, la constitution devait restreindre les droits des propriétaires privés afin de protéger l’égalité de tous les humains en droits ; elle devait :

  • garantir àtoute personne non propriétaire la possibilité d’accéder àla propriété,
  • soumettre le droit de propriété privée à l’utilité sociale et àla condition de respecter la sà»reté, la liberté, l’existence et la propriété d’autrui ;
  • poser les conditions créant la nécessité qu’une entreprise devienne propriété de la collectivité.

- Ce projet a été soumis au référendum populaire le 5 mai 1946 : 41% des électeurs ont voté contre lui, 37% pour, et 22% ne se sont pas prononcés ; le projet rejeté, une nouvelle Assemblée constituante fut élue le 5 mai 1946.
- Celle-ci rédigea un autre projet : ce fut un texte très en retrait du premier dans toute l’étendue du domaine des droits humains et civiques.
- Sur tous les sujets qui font l’objet de la citation ci-dessus, ce second projet dispose de la manière suivante :

(...)

- La loi garantit àla femme, dans tous les domaines, des droits égaux àceux de l’homme.

(...)

- Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
- La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

(...)

- Comparons les deux projets :
- Nous noterons deux choses au passage :

  • les définitions et dispositions relatives aux droits de l’Homme et du Citoyen et celles relatives àla propriété constituaient le titre 1 du corps du texte du projet de Constitution adopté le 19 avril 1946, àla différence de la constitution finalement adoptée, qui a enfermé ces dispositions dans son préambule ; or, l’usage français établi depuis 1794 semble bien faire que les préambules des constitutions et des lois ne sont pas considérés comme contraignants.
  • l’article selon lequel tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux devant la loi a disparu.

- Relativement au premier projet, le second renonce àimposer aux propriétaires de plier l’administration de leurs propriétés aux deux conditions que posait le projet du 19 avril, de ne rien faire contre l’utilité sociale et de ne porter aucun préjudice àautrui, ni dans sa personne, ni dans ses droits.
- Ce renoncement isole l’énoncé de la condition conduisant àla nationalisation des entreprises, et cela permet aux politiciens réactionnaires, aux propriétaires des plus gros capitaux, et surtout àleurs alliés et àleurs commis dans l’appareil d’Etat, d’appliquer aux entreprises nationalisées les lois de la propriété privée, conformément àla charte de la première restauration (1814 !), et surtout conformément aux projets des personnes privées propriétaires des plus gros capitaux.
- Dans le référendum populaire du 13 octobre 1946, 36% des électeurs ont voté pour le second projet, 32% contre et 32% ne se sont pas prononcés.
- Ce projet est ainsi devenu la constitution de 1946 ; la constitution de 1958 n’apportant aucune modification, les conditions juridiques que définit la constitution de 1946 vont présider non seulement àl’accomplissement des réalisations de la Libération, mais aussi àleur évolution jusqu’àce jour : en conséquence, les entreprises alors ou précédemment nationalisées, tout comme les institutions créées dans la ligne définie par le programme du Conseil national de la Résistance, notamment les nouvelles institutions de la Sécurité sociale, n’auront pour les défendre que le mouvement populaire de revendication démocratique, et les travailleurs de ces entreprises et de ces institutions ne pourront s’appuyer que sur leurs statuts ; mais aucune loi ne pourra servir de référence juridique àla défense de la propriété nationale sur ces entreprises et sur les autres réalisations de la Libération.
- Or, il y avait de grandes différences entre les places que faisaient les statuts de ces différentes réalisations àl’exigence de démocratie : la diversité des destins de ces réalisations est la conséquence directe de ces grandes différences : nous constatons aujourd’hui que les plus vite privatisées ont été en général celles dont les statuts de 1948 faisaient la moindre part àla démocratie, et que celles qui ont le mieux résisté àla privatisation sont celles dont les statuts de 1948 faisaient àla démocratie la part la plus large et la plus essentielle (ce sont la Sécurité sociale, EDF-GDF et les caisses de retraites).
- Le fait est que les propriétaires des plus gros capitaux n’ont jamais cessé de porter des coups aux réalisations de la Libération, ni de réprimer la revendication populaire de démocratie : ils s’appuyaient pour cela sur les lois qui font en France que la propriété privée est inviolable et sacrée, et sur la prescription de la Charte de la première Restauration, qui applique les mêmes lois àla propriété privée et àla « propriété que l’on appelle nationale » ; mettant ces moyens au service de leurs intérêts égoïstes, ils ont érodé, puis ruiné ces réalisations.
- C’est pourquoi la gravité sans précédent de la crise qui ravage notre pays nous impose le devoir de mettre en évidence les moyens nécessaires au peuple de France pour y faire face, pour la résoudre et en même temps pour que la revendication de démocratie mette fin au pouvoir qu’ont en France les propriétaires des plus gros capitaux de décider du destin de la France àla place des Français : nous pensons que pour cela, la propriété nationale distincte de la propriété privée et régie démocratiquement par la nation elle-même est un moyen principal : il nous faut donc dire et écrire les conditions que nous envisageons pour la définir.
- Une chose est claire : il n’y aura pas d’évolution démocratique des règles de la propriété sans qu’un grand mouvement populaire la revendique ; en vue d’ouvrir la voie àce grand mouvement populaire, il est nécessaire de porter sur le plan politique la revendication populaire sur la propriété des plus gros capitaux ; àcette fin, il faut aujourd’hui tirer les leçons que nous donne l’expérience des années écoulées depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ; proposons de le faire sous la forme d’un débat politique sur la propriété nationale et sur les conditions qu’il faut imposer àla propriété privée.
- Pour résumer ce qui précède :

  • l’idée de la propriété nationale est née dans le cours de la Révolution française pour exprimer le besoin qu’éprouvaient les membres du peuple d’accéder aux moyens de vivre dignement, àégalité de droits avec les anciens privilégiés et avec les riches ;
  • sa répression par les privilégiés et par les riches fut immédiate, et d’ailleurs sanglante : il fallait permettre au gouvernement thermidorien, au Directoire et au Consulat d’unir tous les riches bourgeois et les anciens privilégiés dans la règle bourgeoise de la propriété que l’Empire allait codifier ;
  • l’article 9 de la première charte du royaume restauré (1814) tourna cette première page de l’histoire de la propriété en France ; la deuxième page, c’est la propriété nationale soumise aux lois qui régissent la propriété privée : les mêmes lois de propriété s’appliquant àtous les biens de quelque importance, qu’ils soient publics, nationaux ou privés, font d’eux essentiellement et principalement la matière de la spéculation bourgeoise sur la valeur d’échange ;
  • en 1946, la première Assemblée constituante de la Libération tenta sans succès de tourner cette deuxième page, en posant des principes justes ;
  • aujourd’hui, six décennies d’expérience nous permettent de dire que l’application aux capitaux terriens, industriels, commerciaux et financiers des lois de la propriété privée structure la crise, approfondit ses ravages et permet aux propriétaires des plus gros capitaux de devenir aussi, àvil prix, propriétaires des biens publics ou nationaux ;
  • cette expérience qui tourne au désastre depuis quarante ans nous prouve que l’assemblée constituante de la Libération avait eu raison d’inscrire dans son projet de constitution la réforme qui introduisait de la démocratie dans la propriété : si les règles de cette réforme avaient été inscrites dans notre constitution, l’intégration supranationale des grandes sociétés opérant en France, les concentrations et exportations de capitaux, les restructurations, l’externalisation des processus du travail, les délocalisations, l’exportation du travail et tous les autres procédés de destruction de l’économie nationale employés par les propriétaires des gros capitaux auraient été beaucoup plus difficiles àmettre en œuvre, et surtout, les travailleurs auraient pu utiliser, pour les combattre, l’arme de la constitution en plus de leur unité !

- Pour toutes ces raisons, il importe que nous tirions dès àprésent, sur ce plan-làaussi, les leçons de la crise du capitalisme en rédigeant et en propageant les conditions auxquelles la société, c’est-à-dire la Nation, doit soumettre la propriété afin d’ouvrir àla démocratie le champ de l’économie, ce qui permettra, entre autres progrès, de résoudre durablement la crise :
- Ces conditions sont de deux ordres :

  1. d’une part, restreindre les droits qu’ont les propriétaires sur leurs biens privés de telle manière que l’exercice de ces droits ne leur donne plus la possibilité d’imposer leur volonté politique égoïste àla Nation,
  2. et d’autre part, créer le mode national de la propriété, auquel seront soumis tous les biens publics, tous les biens nationaux.

- C’est pourquoi je propose que nous inscrivions dans notre programme le texte suivant :
- Les propriétaires des plus gros capitaux ont précipité notre pays dans la crise, simplement en faisant usage des droits que leur assurent les lois de la propriété privée.
- De plus, l’application de ces mêmes lois aux biens nationaux, ou publics, qui est devenue la règle en France depuis qu’elle a été inscrite dans les chartes du royaume restauré, en 1814 et en 1819, a permis àces mêmes propriétaires de s’enrichir encore en s’appropriant àtrès bon marché des capitaux et entreprises que l’Etat gérait au nom de la Nation.
- Tout cela a réduit àpresque rien les droits sur tous ces biens dont les citoyens de notre pays auraient dà» jouir, en tant qu’ils étaient, qu’ils sont, membres de la Nation, c’est-à-dire membres de leur propriétaire.
- Les mêmes très riches propriétaires de capitaux ont, de plus, plongé la plupart des entreprises de notre pays dans les pires difficultés et rendu le travail cause de maladies, en usant pour leurs buts égoïstes du pouvoir absolu en quoi consiste aujourd’hui l’exercice de la propriété privée sur les entreprises que contrôlent leurs capitaux.
- Il est temps de faire cesser tous ces abus ; c’est pourquoi nous proposons de limiter les droits des propriétaires privés et de créer un mode nouveau de propriété, la propriété nationale, en procédant par les voies légale et constitutionnelle.
- Afin de limiter les droits des propriétaires privés, il faut leur imposer la règle suivante :

  • Les propriétaires de tout bien privé soumettront la gestion de leurs biens aux conditions suivantes :
    • ne pas faire obstacle, ne pas agir contrairement àl’utilité sociale,
    • ne pas agir de manière àporter préjudice àla sà»reté, àla liberté, àl’existence ou àla propriété d’autrui.
  • Quant àla propriété nationale, elle doit obéïr aux règles suivantes :
    • la Nation gère les objets de sa propriété dans le but d’assurer àchaque membre du peuple, àson conjoint, àses enfants et àses vieux parents, de vivre dans la dignité ; la Nation est obligée d’atteindre ce but : cela restreint et circonscrit ses droits de propriétaire ; en particulier,
      • la nation ne peut en aucun cas aliéner les objets de sa propriété ;
      • la nation doit contrôler strictement les biens qui représentent par leur nature un danger pour la population ; elle doit établir ce contrôle de telle manière que l’existence de ces biens, lorsqu’elle se justifie, ne soit plus dangereuse ; les centrales nucléaires de production électrique sont dans ce cas, comme de nombreuses autres installations ;
      • le cas échéant, c’est-à-dire lorsque leur existence ne se justifie plus, ou lorsque le danger qu’ils représentent ne peut pas être réduit, la nation doit détruire ces biens ; tel est aujourd’hui le cas de l’armement nucléaire de la France.
    • la Nation gère ses propriétés directement, sans déléguer ses pouvoir àl’Etat : àtous les niveaux auxquels doit s’exercer l’autorité nationale, le peuple assemblé élit directement un conseil populaire, et le mandate pour gérer les biens nationaux, ou pour participer àleur gestion ; les pouvoirs de ce conseil étant ceux d’un magistrat, ce conseil pourra être appelé conseil magistral et populaire ;
    • propriétaire de capitaux investis dans l’économie et des entreprises que ces capitaux contrôlent, la Nation conduit tout aussi directement les processus du travail de ces entreprises : parce que les travailleuses et travailleurs, ouvriers, techniciens et ingénieurs de toutes qualifications sont des citoyens de plein droit, ils participeront en tant que propriétaires et en tant que travailleurs àla conduite du travail, et nous savons, pour les connaître, qu’ils sauront y engager leur responsabilité, comme ils savent l’engager dans le travail lui-même.

- Deux remarques s’imposent ici :

  1. en France, notre expérience sociale nous présente des cas d’entreprises dans lesquelles les travailleurs participent de droit àtoutes les décisions, y compris àcelles qui déterminent la politique d’entreprise : ce sont les coopératives ouvrières de production ou de consommation ; l’expérience de ces entreprises est contradictoire, mais très riche, surtout en ce qui concerne les rapports du travail et de la connaissance ; il est de notre devoir de mettre cette expérience en valeur, afin de l’investir dans les transformations futures de notre société.
  2. le fait que l’entreprise soit devenue propriété nationale stérilise, heureusement pour les travailleurs, son immersion dans le marché : c’est cela qui rend indispensable la planification de l’économie de toutes les entreprises nationales ; l’objectif que visera cette planification sera l’intérêt de la nation, c’est-à-dire du peuple travailleur tout entier.

- En conséquence de ces deux remarques, les salariés des entreprises nationalisées auront qualité pour participer àl’élaboration des plans et pour surveiller leur exécution : dès lors, tous les aspects de la planification participent de l’exercice des droits de la nation propriétaire, et tous les conseils magistraux et populaires, définis ci-avant, exerçant les droits de la propriété nationale participeront eux aussi de droit àtous les niveaux des processus de planification concernant les entreprises dont ils gèrent la propriété : il n’y a pas de propriété nationale sans planification pleinement démocratique, et par conséquent, la planification nationale ne peut en aucun cas être confiée àune administration technocratique : c’est un service public, lui-même soumis àla propriété nationale, qui sera chargé de cette tâche ; toutes proportions gardées, il y a une analogie entre le futur service public de planification nationale et la Sécurité sociale telle qu’elle était constituée et gérée avant la cinquième République.

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