ce serpent de mer fait de la disparition du chef d’une compagnie SS de la division Das Reich, nommé Kämpfe (ou Kempfe), la cause qu’aurait voulu venger une autre compagnie SS en détruisant Oradour sur Glane.
Nous avons toujours su qu’il n’en est rien : les enquêtes ont très tôt révélé que la décision de détruire Oradour a été prise dans l’après-midi du 9 juin 1944 au moins deux heures avant la capture de Kämpfe par les FTP : l’existence d’un rapport entre la capture de Kämpfe et le crime commis à Oradour est un mensonge.
Rétablissons les faits : c’est dans la journée du 6 juin 1944 que la division SS Das Reich a reçu la mission qui l’a amenée en Limousin le 8 juin 1944.
Cette division avait été engagée sur le théâtre oriental de la guerre pour l’« opération Barberousse », avec la mission principale de la Waffen SS, qui était d’appliquer la terreur aux populations civiles afin de protéger les lignes arrières de la Wehrmacht (les Russes, Biélorusses et Ukrainiens ne l’ont pas oublié) ; les pertes infligées par l’Armée rouge au corps de bataille nazi ont ensuite amené le commandement allemand à employer les divisions SS dans leur mission secondaire, c’est-à -dire dans la bataille : décimée par les combats de Koursk, la « Das Reich » avait été retirée du théâtre oriental et mise au repos dans la région de Montauban ; depuis deux mois, elle y recomplétait ses effectifs et ses matériels.
Lammerding arrivant en France faisait figure de spécialiste du terrorisme de masse ; pendant que ses subordonnés enseignaient aux nouvelles recrues de sa division l’application de la terreur, il rédigeait un rapport sur les méthodes terroristes à appliquer pour pacifier la France ; la veille du 6 juin, il avait rendu ce rapport, que le haut commandement allemand avait répercuté dans toutes les unités allemandes (pas seulement SS) stationnées dans notre pays ; ce rapport pose sans ambigüité le principe qu’il faut appliquer la terreur sans avoir aucun prétexte pour le faire.
Face au débarquement allié, l’OKW (Etat-major général allemand) assigna de nouvelles missions à toutes ses unités subordonnées : c’est ainsi que la division SS Das Reich reçut l’ordre de prendre position dans la région de Limoges ; l’OKW admettait alors que le débarquement de Normandie pouvait ne pas être l’action principale de l’offensive alliée : la « Das Reich » devait être en mesure de faire face à trois hypothèses de développement des combats : ou bien le débarquement de Normandie était la seule action de l’offensive alliée, ou bien il allait être accompagné d’un très important débarquement sur la côte atlantique de notre pays, ou bien d’un débarquement massif de troupes aéroportées dans les monts d’Auvergne et du Limousin ; après le 6 juin, l’OKW est resté plusieurs jours dans cette incertitude.
La mission de la « Das Reich » en Limousin était donc d’attendre et de préparer sa nouvelle mission ; cela impliquait de mettre aux fers une population déjà soulevée, de regonfler le moral de garnisons allemandes prêtes à déposer les armes, et d’immobiliser pendant cinq jours le régiment mécanisé d’artillerie divisionnaire pour remettre ses véhicules chenillés en état de combattre (sur les parcours routiers, les trains de roulement à chenilles s’usent très vite). Il en résulte que les premiers éléments de la « Das Reich » ne pouvaient pas quitter le Limousin avant que l’OKW, ayant compris l’offensive des alliés, lui ait assigné sa nouvelle mission, ni avant que soit écoulé le délai de cinq jours nécessaire à la remise en état des engins chenillés ; son départ s’est donc échelonné du jour où la nouvelle mission lui arrivait jusqu’au jour où le régiment d’artillerie divisionnaire était remis en état de reprendre la route (ou d’être chargé sur des wagons de chemin de fer). Pour cette division, il était donc important de « pacifier » sa zone d’attente, au moins pour cinq jours.
A cet effet, les règlements de la SS prévoyaient les mesures de terreur à appliquer aux populations pour intimider les « bandes armées », pour reconquérir au profit de l’administration pétainiste les villes que la Résistance avait libérées et pour rendre aux unités nazies la liberté de circuler dont l’insurrection les avait privées.
La « Das Reich » arrivait à Brive le 8 juin, alors que les FTP combattaient victorieusement la garnison allemande de Tulle : pour entrer dans sa zone d’attente et la pacifier, la « Das Reich » devait d’abord terroriser Tulle et remettre les administrations de la ville dans la voie du pétainisme ; c’est là la raison, l’unique raison des pendaisons et des déportations opérées le 9 juin.
En même temps, un autre élément de la « Das Reich » avançait à l’ouest de la nationale 20, jusqu’à Saint Victurnien en Haute-Vienne ; il avait avec lui un officier précurseur du régiment d’artillerie divisionnaire, dont la mission était de déterminer le cantonnement où serait immobilisée l’artillerie en vue de sa remise en état de route. Afin d’assurer la tranquillité nécessaire à cette opération de cinq jours, il fallait en même temps choisir un bourg proche du cantonnement et l’assigner à une compagnie SS de fantassins comme objectif à détruire a-priori, en arrivant ; ce double choix ne fut pas fait par le seul précurseur d’artillerie, mais au cours d’une discussion qu’il a eue en milieu d’après-midi du 8 juin avec deux miliciens saint Juniauds dans un café de la ville : le régiment serait cantonné à Nantiat, et le bourg à détruire serait Oradour sur Glane, situé à 10 kilomètres de Nantiat ; la Résistance ne se manifestait pour ainsi dire jamais dans ce bourg paisible, et cela garantissait aux SS qu’ils n’auraient pas à combattre : telles sont les raisons, les seules raisons, du martyre d’Oradour sur Glane.
Toujours dans la journée du 8 juin, le régiment « Der Führer », fonçait en direction du nord-est sans s’arrêter à Limoges : sa mission était d’assurer, toujours par les mêmes moyens, la sécurité de la division face à l’est, c’est-à -dire de tenir les routes conduisant de Limoges à Clermont-Ferrand, par Guéret et par Bourganeuf. Guéret venait d’être libérée par la résistance : le régiment « Der Führer » participa à sa reconquête en coupant les retraites des résistants vers l’ouest et le sud-ouest. Sur cette dernière direction, une compagnie de ce régiment, commandée par Helmut Kämpfe, a pris position au carrefour de Combeauvert, face à la direction de Guéret ; là , elle arrête plusieurs véhicules et massacre leurs occupants dont beaucoup sont sans armes ; lorsque vient midi, elle a fait trente et un morts.
Dans l’après-midi, Kämpfe quitte sa compagnie et gagne Guéret, puis en revient ; il voyage seul dans une voiture décapotable ; arrogance ? Accorde-t-il foi aux règlements de manoeuvre SS, selon lesquels l’étendue règlementaire des massacres assurerait l’impunité des criminels SS ? Au crépuscule, il tombe dans une embuscade tendue par un groupe FTP. Ceux-ci savent ce qu’est le régime hitlérien, ce qui s’est passé à Combeauvert ; dès le lendemain, la nouvelle des pendaisons de Tulle se répand, et le surlendemain, le vent d’ouest apporte à tout Limoges l’odeur des chairs brà »lées ; les FTP savent compter les galons et les étoiles et mesurer les feuilles de chêne sur les uniformes : ce SS a commandé le crime de guerre commis dans la matinée à Combeauvert, et sans doute beaucoup d’autres ; il doit être jugé ; deux jours après sa capture, son procès est fait et l’exécution immédiate. Quant à ceux qui voudraient lui rendre hommage, on ne les renseignera jamais ; jamais !
Voilà ce qui s’est passé : il n’y a jamais eu de « mystère Kämpfe » !