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« Terre de Liens », vers un concept de résistance ?

article publié par l’Echo le 24 octobre 2012

mercredi 24 octobre 2012, par Jean-Pierre Combe

- Les propos de Capucine Godinot publiés le 17 octobre dernier sont extrêmement intéressants pour deux grandes raisons :
- D’abord, l’objet du réseau des associations « Terre de Liens » est d’orienter le travail de la terre vers une production biologique vérifiable àtout moment, ce qui revient àdébarasser l’agriculture des tutelles que lui imposent les industries, notamment chimique et biochimique ;

- depuis longtemps, je considère cette orientation comme une nécessité vitale pour l’immédiat et pour l’avenir de long terme, et nous sommes nombreux àpenser de même parmi mes parents et amis, dont une bonne moitié ont un contact professionnel direct avec le travail rural, l’agriculture ou l’agronomie.
- Ensuite, l’idée qui dirige les associations « Terre de Liens » pour atteindre cet objet est de désolidariser l’usage et la propriété de la terre ; leur méthode est d’acquérir des terres agricoles et de les affermer au moyen de baux ruraux, environementaux et « de carrière ». Cette dernière spécification signifie que lorsque le fermier prend sa retraite, « on installe une nouvelle personne ». En somme, le départ du fermier àla retraite met fin àson bail, et pour installer un nouveau fermier, on établit un nouveau bail ; de cette manière, la terre reste en exploitation sans avoir été vendue ; ces terres (et leur usufruit) cessent d’être des biens échangeables sur le marché ; c’est cela qui ouvre la perspective d’un progrès du travail rural paysan, de l’agriculture et de l’agronomie qui peut être radical.
- Mais il faut encore que le travail soit engagé dans cette perspective, et le propriétaire a le droit de s’y opposer : qui sera le propriétaire ? Le réseau « Terre de Liens » a créé deux organismes : une société foncière et un fonds de dotation. La société foncière vend des parts sociales pour collecter l’épargne dont elle a besoin pour acheter des terres ; quant au fonds de dotation, il reçoit des dons en espèces ou en biens fonciers ; ce sont les terres acquises par ces moyens qui sont affermées. Le nouveau propriétaire est donc la société foncière, qui est liée aux associations du réseau « Terre de Liens ». La question se pose donc : comment la société foncière, aidée des associations composant le réseau, peut assurer que l’objet de faire cesser les tutelles industrielles sur l’agriculture sera atteint : en vérité, cela dépend des personnes membres des associations et du réseau « Terre de Liens », de leur esprit de système et de leur fermeté dans la mise en œuvre des principes du réseau : je remarque que ces principes sont compatibles avec l’invention par ces nouveaux paysans d’une planification de leur travail faite collectivement par eux-mêmes àl’échelle du réseau : c’est ce que nous appelons une planification démocratique : une telle planification serait certainement un moyen puissant de défense contre les tutelles qui aliènent le travail paysan.
- Remarquons encore : l’idée de désolidariser l’usage et la propriété de la terre n’est pas nouvelle en France : elle est seulement enfermée dans les oubliettes. C’est en effet Gracchus Babeuf qui l’a formée et énoncée. Elle lui est venue peu d’années avant 1789, lorsqu’il découvrait dans la propriété nobiliaire la cause des guerres féodales. Il l’a perfectionnée en argumentant son opposition àla vente des biens nationaux : Babeuf proposait de placer les biens nationaux sous l’autorité d’un magistrat élu par le peuple et chargé d’administrer leur « partage usager », en commençant par les indigents, ce grâce àquoi les indigents cesseraient d’être indigents. L’énoncé le plus achevé de son idée d’usage partagé de la terre nationalisée, il l’a rédigé dans la prison dont il ne devait jamais sortir, étant condamné àmort sur l’ordre des ministres thermidoriens. Encore un mot : Babeuf, ce grand révolutionnaire, n’a jamais tué ni fait tuer personne.

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