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Propriété nationale et service public

Faut-il effacer la Révolution des Droits de l’Homme et du Citoyen ?

mercredi 12 octobre 2005, par Jean-Pierre Combe

- En répondant NON au référendum le 29 mai 2005, le corps électoral français, formellement porteur de la souveraineté nationale, a clairement refusé l’Europe supranationale.
- Le refus vigoureux opposé par les marins de la SNCM àla privatisation de leur entreprise continue au fond le refus national de l’Europe supranationale.

De quoi se mêle l’Europe supranationale ?

- L’Europe supranationale exige que les entreprises de service public soient privatisées, àla seule exception "des services régaliens des Etats" ; qu’est-ce que c’est que ce mot "régalien" ? Il a la même origine étymologique que le mot "royal", et porte, au fond, le même sens.
- Il faut examiner pourquoi l’Europe supranationale remet en usage les vieilleries royalistes que sont les objets régaliens : aux temps des Anciens Régimes, était régalien ce qui relevait de la seule décision des empereurs, rois et autres monarques absolus ; en somme, les objets régaliens étaient les moyens dont usait le monarque pour exercer seul la souveraineté, même s’il décidait en son conseil.
- De 1789 à1794, la Révolution a détruit la monarchie absolue, et avec elle tous les objets régaliens ; elle a remplacé la souveraineté du monarque par la souveraineté du peuple, qui est la souveraineté nationale : ce faisant, elle a dévolu àla décision populaire un grand nombre de fonctions politiques ou économiques, telles la monnaie, l’armée, la poste, les voies publiques, leurs ponts et leurs chaussées, etc...
- Par cette transformation des institutions de l’ancien royaume de France, la révolution a créé nombre de services publics, simplement en transférant au peuple les décisions relatives àleur existence et àleurs objets que prenait auparavant le monarque seul ; parmi ces services publics, il y avait ceux qui assurent la cohérence et la continuité du territoire, notamment la poste, les routes, les chaussées et les ponts.
- La décision de créer la SNCM s’est inscrite dans cette logique : il faut remarquer que ce fut au bout d’une longue lutte de la population travailleuse du midi de la France, Corse comprise, qui revendiquait la continuité du territoire de la République, alors que nos gouvernants imposaient ànos services publics de généraliser la gestion capitaliste, qui rompt cette continuité.
- Or, la transformation opérée par la révolution de 1789 à1794 avait pour raison de supprimer les décisions politiques arbitraires, prises et exécutées par un homme qui n’en répondait jamais ; dans l’affaire de la SNCM, il y a un scandale : la privatisation a été décidée àl’écart de l’intervention du peuple souverain, de manière parfaitement arbitraire, très analogue àla manière dont autrefois, les rois prenaient leurs décisions ; d’ailleurs, ceux qui ont pris cette décision sont les mêmes qui remettent en vigueur cette vieillerie pourrie qu’est le droit régalien.
- Il est donc clair que cette question est beaucoup plus importante que ce que les journalistes idéologiques s’attachent ànous faire croire : c’est le mode même de l’économie qui est en cause.
- Les communistes, qui s’organisent depuis quelques années pour faire renaitre le parti communiste en France, en ont conscience, comme le montre la résolution communiste suivante :

La SNCM doit rester une société nationale !

- Nous, communistes réunis le 8 octobre 2 005 àSaint Pardoux l’Ortigier, département de la Corrèze, par l’Association de Coordination des Communistes de la Corrèze pour la Renaissance du Communisme en France (ACC19-PRCF), soutenons la lutte légitime des travailleurs de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la position fermement prise par l’organisation Marseillaise de la CGT.
- En refusant la privatisation de leur entreprise, les travailleurs de la SNCM en grève défendent leur droit de travailler et de vivre dignement de leur travail.
- En même temps et par la même revendication, ils signifient que la nation doit rester propriétaire de la SNCM, et que des représentants de l’état, fussent-ils ministres, n’ont pas le droit de vendre son capital.
- Ils ont raison de défendre leur droit de travailler, même si les propagandistes du capital s’efforcent de peindre leurs entreprises des pires couleurs de la catastrophe.
- Ils ont raison contre le gouvernement lui-même : en effet, si les ministres ont mission de gouverner le pays, ils n’ont pas le droit de vendre le capital national.
- En promettant aux capitalistes de leur vendre la SNCM, ce gouvernement s’est rendu coupable d’abus de pouvoir.
- La SNCM doit rester une société nationale !
- En conséquence, nous soutenons la lutte légitime des travailleurs de la SNCM en grève contre la privatisation de leur entreprise, et nous appelons tous les communistes, et au-delàd’eux, tous les syndicalistes engagés pour la défense des intérêts ouvriers dans les luttes de classes, àapporter aux travailleurs de la SNCM tout le soutien moral et matériel possible.

Pourquoi veulent-ils privatiser la SNCM ?

- Un bref examen des raisons que ces messieurs exposent montre qu’elles sont vides et hypocrites : ils organisent leurs exposés autour de l’affirmation qu’il faudrait éviter un dépôt de bilan consécutif àla mauvaise gestion de la SNCM.
- Cette raison appelle plusieurs remarques :

  1. la responsabilité des gérants, des présidents et directeurs généraux est engagée dans la gestion des entreprises dont ils ont la signature. Donc, si la gestion de la SNCM est mauvaise, c’est en premier lieu àses gérants, présidents et directeurs généraux et àceux qui les ont nommés gérants, présidents ou directeurs généraux qu’il faut demander des comptes. Ces messieurs, que je sache, touchent des rémunérations (abusivement appelées salaires) valant cent SMIC ou plus : ces énormes rémunérations devraient nous inciter àleur demander des comptes plus sérieux et plus souvent !
  2. Les salariés de la SNCM font leur travail, pour des salaires dont l’échelle s’étend de deux àsix ou huit SMIC, guère plus : les clauses des contrats de leur travail leur imputent des responsabilités qu’ils assument et leur imposent une connaissance étendue et pratique de la mer, des bateaux et du transport maritime ; ils sont pourtant exclus de la gestion de l’entreprise au point de ne pouvoir se faire entendre que par la grève. Pourquoi devraient-ils supporter les conséquences de la gestion mauvaise et égoïste imposée àla SNCM par ses gérants, présidents et directeurs généraux nommés par le gouvernement ?
  3. La République a créé la SNCM pour assurer la cohérence de son territoire que mettait en cause la gestion capitaliste des sociétés de transport privées, du simple fait que l’objet premier des sociétés privées n’est pas d’assurer une fonction matérielle de l’économie, mais de prélever du profit sur une ou plusieurs de ces fonctions et d’en abonder le capital de quelques riches personnages. Cette raison s’était manifestée au prix du sang dès 1789 ; elle n’a jamais cessé d’être vraie depuis ; c’est elle qui a présidé àla création de la SNCM ; elle est toujours vraie aujourd’hui ; plus que jamais, pourrait-on dire.

- Cela étant, porte jugement sur ceux qui ont décidé et entrepris de privatiser la SNCM :

  • les propriétaires de capitaux impliqués dans cette affaire ne cherchent que de nouveaux profits, et si l’entreprise n’en rapporte pas, sa destruction leur en fournira assez pour qu’ils soient satisfaits ;
  • les ministres et autres hauts fonctionnaires de l’état ne cherchent qu’àservir leurs maîtres capitalistes, comme déjàKarl Marx et Friederich Engels l’avaient démontré.

- Dans cette affaire, l’intérêt des membres du peuple travailleur, qu’ils soient corses, catalans, languedociens, provençaux, italiens, tunisiens, algériens, marocains, espagnols ou maltais, coîncide avec l’intérêt national : il est de maintenir la SNCM sous la propriété nationale, afin que nul capitaliste ne prélève de profit sur ses activités, et qu’elle les développe dans l’intérêt des peuples travailleurs de tout l’ouest méditerranéen.

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