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Une politique du Parti communiste : le front unique

3 octobre 1952, Jacques Duclos

samedi 4 avril 2015, par Jean-Pierre Combe

-  Le 3 octobre 1 952, ce discours de Jacques Duclos, « Pour un puissant front national uni », ouvrait àMontreuil les travaux du Comité Central du Parti Communiste Français.

La nation veut l’indépendance et la paix

- Dans les circonstances présentes, alors qu’il s’agit de sauver le pays, d’empêcher qu’il ne sombre dans la ruine et la honte d’une politique de trahison, le devoir qui s’impose est d’unir la classe ouvrière et de rassembler avec elle, en un puissant Front national uni, l’immense masse des Français et Françaises qui « sont résolus àlutter pour la paix et l’indépendance de la patrie sans aucune distinction d’opinions politiques, de croyances religieuses ou de situation sociale ».
- De plus en plus nombreux sont ceux qui en arrivent àpenser que la situation actuelle, conséquence de la politique du gouvernement Pinay, ne peut plus durer, que le plan Schuman et la mainmise américaine, tant politique qu’économique, sur notre pays, ont des conséquences désastreuses auxquelles il faut mettre un terme, que le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest, avec les menaces qu’il comporte pour la sécurité de la France, est inacceptable.
- Il faut dire en effet et répéter que l’action des masses, si elle atteint un degré de puissance suffisant, peut non seulement faire triompher telles ou telles revendications économiques, atteindre tels ou tels objectifs politiques immédiats comme, par exemple, le dégonflement du complot, mais elle peut aussi aboutir àdes victoires bien plus grandes.
- L’action des masses peut imposer non seulement un changement de gouvernement, ce qui ne serait rien si la même politique devait être poursuivie avec un autre gouvernement plus ou moins semblable, mais elle peut imposer aussi, et c’est cela qui est important, un changement de politique.
- L’intérêt de la classe ouvrière et de l’ensemble du peuple, l’intérêt de la France, exigent que tout soit mis en œuvre pour imposer le départ du gouvernement actuel et pour rendre inefficaces les intrigues de ceux qui, comme les dirigeants socialistes, font semblant de combattre Pinay tout en manœuvrant pour assurer sa survie ministérielle ou tout au moins la continuation de sa politique.
- Pour ne citer qu’un exemple de l’état d’infériorité et de dépendance dans lequel la politique gouvernementale place notre pays, il suffit de comparer la situation actuelle de la sidérurgie française avec les prévisions que la Commission de modernisation de la sidérurgie faisait en novembre 1946, c’est-à-dire avant la marshallisation de la France dont le socialiste Ramadier fut le sinistre initiateur.
- Cette commission prévoyait une production pour 1949 de 10 millions de tonnes d’acier, de 12 millions pour 1951 et de 15 millions par la suite.
- De telles ambitions n’étaient nullement au-dessus des possibilités françaises, mais avec la politique de marshallisation le développement économique de la France devait être forcément entravé.
- C’est si vrai que pour 1951, la production de la sidérurgie française, tributaire de l’Allemagne occidentale pour ses approvisionnements en coke sidérurgique, n’a été que de 9800000 tonnes, cependant que la sidérurgie allemande produit déjà13500000 tonnes et atteindra 22 millions de tonnes en 1957.
- Les trusts allemands sont entrés avec une supériorité évidente dans le pool charbon-acier qui va verser 350 millions de marks au criminel de guerre Krupp, et cette supériorité va être encore accrue par le règlement de la question de la Sarre, quelle que soit la solution adoptée.
- Ce sont donc les trusts allemands qui vont être les grands bénéficiaires de l’opération de trahison des intérêts français que constitue le plan Schuman. Εt des usines françaises dont le développement était prévu par la Commission de modernisation de la sidérurgie, sont vouées àla disparition avec le chômage qui en résultera et avec l’affaiblissement de la France qui en sera la conséquence.
- Notre pays est ainsi réduit àune situation mineure, ce qui ne peut manquer de provoquer des mécontentements non seulement dans les rangs de la classe ouvrière, mais jusque dans les milieux de la bourgeoisie lésés dans leurs intérêts.
- Ainsi se manifestent les contradictions qui minent le système impérialiste. Ces contradictions sont la conséquence inévitable de l’action des forces économiques internes du capitalisme, la conséquence de sa décadence générale.
- Ces contradictions sont aggravées àla fois par la politique agressive du capital monopoliste américain et par la résistance active des masses àcette politique.
- Comme on le sait, la politique des États-Unis vise àréduire la France au rôle d’une puissance de second rang et l’armée européenne sous commandement américain, avec les divisions de l’Allemagne occidentale comme élément de choc, est destinée non seulement àfaire la guerre àl’URSS et aux démocraties populaires, mais aussi àpoursuivre l’asservissement de l’Europe occidentale et, en premier lieu, l’asservissement de la France.
- Tout dernièrement, la presse italienne a fait état d’un accord secret entre Washington et Bonn prévoyant le transfert de troupes fascistes allemandes en France et en Italie, en cas de nécessité.
- En présence d’une telle situation et des réactions qu’elle provoque inévitablement, la réalisation d’un Front national uni pour la reconquête de l’indépendance nationale et la défense de la paix, apparaît non seulement comme une impérieuse nécessité, mais elle doit pouvoir, grâce àd’audacieux et persévérants efforts, devenir une possibilité proche.
- C’est seulement l’existence d’un puissant Front national développant son action de masse àtravers le pays qui peut imposer les changements correspondant aux exigences de la situation et faire triompher une politique nouvelle.

Le changement de politique et ses conditions

- Nul ne saurait contester que des millions de Français et de Françaises ont l’ardent désir de voir disparaître le gouvernement Pinay, de mettre fin àsa politique et de voir se constituer un gouvernement répondant àleurs vœux et àleurs préoccupations immédiates.
- Εt nul ne saurait prétendre que le problème de la constitution éventuelle d’un tel gouvernement laisse indifférents les travailleurs, les démocrates, les patriotes, mais ce qu’ils doivent savoir, ce que nous leur disons avec force, c’est que tout dépend d’eux, c’est-à-dire de nous tous.
- C’est seulement dans la mesure où notre action unie sera assez forte pour exercer une pression suffisante jusque dans les milieux parlementaires que cette éventualité deviendra une possibilité.
- Sans doute y a-t-il en ce moment un nombre important de Français qui n’approuvent pas entièrement le programme communiste que nous considérons, quant ànous, comme répondant seul pleinement aux besoins et aux intérêts présents et àvenir de notre pays, mais beaucoup de ces Français sont cependant d’accord avec nous sur un certain nombre de points et peuvent constituer avec nous un puissant Front national uni qui se fixerait des objectifs politiques et économiques répondant aux exigences de l’heure.
- Le Front national uni rassemblant des hommes et des femmes de toutes opinions, de toutes croyances et de toutes conditions sociales pourrait sans aucun doute, avec l’assentiment de tous, se fixer pour tâches de rétablir l’indépendance de la France, d’imposer l’abrogation du plan Schuman, de s’opposer résolument àla remilitarisation de l’Allemagne occidentale, de lutter pour aboutir àune solution pacifique du problème allemand et de mettre fin àla guerre du Viêt-Nam.
- Le Front national uni pourrait aussi, avec l’accord de tous, se fixer pour tâche de promouvoir une politique économique, financière et sociale assurant, dans le cadre d’une économie de paix, le relèvement de l’industrie et de l’agriculture françaises, la satisfaction des revendications les plus pressantes des masses laborieuses, l’épanouissement de relations commerciales fructueuses avec tous les pays, la mise en œuvre de grands projets de reconstruction et de construction de maisons d’habitation.
- Le Front national uni pourrait aussi, fort d’une approbation unanime, s’assigner pour tâche d’assurer la défense des libertés démocratiques contre toutes les attaques de la réaction et du fascisme.
- Ainsi donc la constitution d’un puissant Front national uni plongeant ses racines dans les profondeurs de la nation et entraînant les masses àl’action peut rendre possible ce que certains s’acharnent àproclamer irréalisable pour justifier leurs agissements favorables àla poursuite de la politique de Pinay.
- Seul un Front national réalisant l’union de tous les patriotes avec les communistes peut promouvoir une politique conforme aux intérêts du pays et imposer la formation d’un gouvernement décidé àappliquer cette politique.
- Un changement de politique n’est possible, en effet, qu’avec le concours des communistes qui, eux, veulent l’unité d’action la plus large au sein d’un puissant Front national uni, pour imposer ce changement.
- Et les tenants de l’anticommunisme doivent être considérés par tous ceux qui veulent ce changement, comme travaillant pratiquement en faveur de la continuation de la politique actuelle.
- Cela, il faut le faire comprendre au pays, en démasquant le rôle joué par les dirigeants socialistes en tant que soutiens de la politique de Pinay.
- Nous devons montrer clairement aux masses que c’est seulement par leur union et leur action au sein d’un Front national uni fort du soutien des Français et des Françaises dignes de ce nom, qu’elles peuvent s’assurer la possibilité de mettre un terme àune politique malfaisante qui conduit àFrance àla ruine, de barrer la route au fascisme, àla guerre, de promouvoir une politique répondant aux intérêts de la nation, au rétablissement de l’indépendance nationale, àla sauvegarde de de la paix et d’imposer la constitution d’un gouvernement véritablement français qui fera enfin une politique française.

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