Il faut donc y revenir :
Historiquement, la question du service civique nous a toujours été posée par des gouvernements, ou par des politiciens proches des gouvernements, tous mandatés par la bourgeoisie riche de notre pays, et qui tentaient d’obtenir que soit abolie la conscription de tous les jeunes gens en vue de l’exécution de leurs obligations militaires. Les bourgeois propriétaires des plus gros capitaux préfèrent en effet depuis toujours l’armée de métier à l’armée de conscription, et cela malgré les défaites infligées à nos armées de métier lors des guerres étrangères (pour n’en citer que deux : Sedan en 1870 et Charleroi en 1914).
Ne pas craindre les défaites militaires de la France, mépriser les pertes matérielles et surtout en vies humaines que causent les guerres, et tirer profit de la nécessité de reconstruire, c’est une attitude que la bourgeoisie française a adoptée lorsqu’il est devenu clair que l’empire de Napoléon premier commençait de s’effondrer, et qu’elle n’a jamais renié depuis.
Donc, la bourgeoisie riche de notre pays ne veut pas d’une armée de conscription, ni du service militaire obligatoire. C’est dans cet esprit qu’elle propose un service civique volontaire dont l’objet sera d’éloigner la masse des jeunes du service des armes de la nation : ce service sera donc fait de tâches non militaires, c’est-à -dire civiles.
Ce sont précisément les raisons pour lesquelles nous nous opposons à la suppression de la conscription des jeunes pour le service militaire obligatoire.
Mais la bourgeoisie doit reconnaître la nécessité d’une institution capable de rassembler pour les tâches d’un même service jeunes gens et jeunes filles au début de leur vie d’adultes et avant qu’ils soient tout-à -fait indépendants ; or, les seules tâches pouvant faire l’objet d’une telle institution sont celles qui relèvent de l’intérêt national.
Cela pose la question de ce que pourrait être le contenu d’un service civique volontaire pour les jeunes, garçons et filles, de 18 à 25 ans.
Ceux qui le proposent entendent remplacer la conscription de tous les jeunes par le volontariat : ils n’osent pas rétablir une obligation pour ce service.
Pour ne pas être militaire, un service doit consister dans l’exécution de tâches civiles sans lien avec la guerre ni avec sa préparation. Cette condition peut apparaître d’abord sympathique ; mais ces tâches font partie de métiers, de professions ou de services assumés par la fonction publique territoriale ou d’Etat : faut-il les retirer aux métiers, aux professions et aux institutions de la fonction publique qui les ont en charge ? Les bourgeois riches et les politiciens qui les servent ne le disent pas, du moins pas dans leur argumentation, mais parmi eux, l’idée circule de le faire.
Lors des récentes tempêtes, des propriétaires de forêts abîmées ont souhaité ne pas avoir à payer les salaires d’ouvriers forestiers : ils ont demandé que l’Etat recrute temporairement des chômeurs pour les mettre à la tâche de nettoyer les forêts, leurs forêts ; cette demande a été immédiatement relayée pour confirmer et renforcer la proposition de créer un service civique volontaire pour les jeunes chômeurs.
Car, quelles seraient les conditions de rémunération de tels volontaires ? Le service civique volontaire devant succéder au service militaire recruté par conscription, la rémunération de base des volontaires serait calculée de la même manière que l’était le prêt franc des jeunes appelés au service militaire. Le calcul devant tenir compte de la nécessité d’attirer les volontaires en nombre suffisant, il aboutirait certainement à une somme mensuelle sensiblement supérieure au prêt franc, mais en tout état de cause très inférieure tant aux salaires dus aux tâcherons en l’absence du service civique qu’aux traitements que touchent les agents les plus mal payés de la fonction publique.
Pour la bourgeoisie riche et pour les politiciens à son service, il s’agit en effet de diminuer autant que faire se peut la facture présentée par les agents comptables du « futur » service civique à ses utilisateurs : celui-ci serait donc géré sans excédents de gestion, sans doute même par moments à perte, afin de permettre aux propriétaires des terres et des forêts de prélever le maximum de profits sur leur exploitation.
Tout cela fait que la bourgeoisie riche et moyenne, qui acceptait autrefois du bout des lèvres que ses fils côtoient brièvement les jeunes prolétaires durant une partie du temps de leur service militaire, refusera désormais un tel mélange dans le cours du service civique : le danger est trop grand qu’en exécutant des tâches ouvrières en présence des jeunes bourgeois, les jeunes prolétaires fassent progresser leur conscience des inégalités sociales, et de la nécessité de la révolution.
Le volontariat du service civique garantit la classe bourgeoise contre ce danger, et permet un perfectionnement de ce service qui permettra à la bourgeoisie riche de bien préparer les jeunes bourgeois à devenir des exploiteurs pleins de morgue et de bonne conscience, des dictateurs du travail et des chefs de police déterminés à faire régner l’ordre bourgeois fà »t-ce dans ses pires méthodes, celles de l’encasernement de toute la population.
Voilà pourquoi les communistes que nous sommes, qui connaissons les conditions que le capitalisme nous fait à tous, et que nous devrons affronter aussi longtemps que la bourgeoisie riche dominera totalitairement notre société, voilà pourquoi nous sommes opposés à la proposition bourgeoise d’instaurer un service civique volontaire pour les jeunes de 18 à 25 ans.