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Sur quelques questions profondes que pose une guerre

Aux sources du sionisme moderne

Comment il fut orienté contre la laïcité et contre l’égalité en droits de tous les humains

vendredi 8 septembre 2006, par Jean-Pierre Combe

- Au milieu du dix-neuvième siècle, la situation faite aux Juifs par les royaumes et les empires qui se partageaient l’Europe centrale et orientale avait empiré : àl’humiliation et àla précarité des siècles précédents s’ajoutait le recommencement dans l’empire russe des violences collectives, connues sous leur nom russe de pogromes, et des brimades de diverses gravités qui leur faisaient écho dans les empires et royaumes d’Europe centrale.

- En France, la Révolution avait mis en Å“uvre la démarche des droits de l’Homme et du Citoyen, matériellement jalonnée par quatre textes, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1 789, le décret de l’Assemblée législative du 27 septembre 1 791, qui reconnait aux Juifs le même droit de cité qu’aux catholiques, qu’aux protestants et qu’aux autres citoyens, le décret de la Convention du 16 pluviose an 2 de la République (4 février 1 794), qui abolit l’esclavage, et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de l’an 1 de la République ; par cette démarche, elle avait mis fin au statut particulier dans lequel l’Ancien Régime maintenait les Juifs, et qui était aussi humiliant et précaire que dans les autres royaumes et empires d’Europe.
- Pour cette raison, beaucoup de Juifs d’Europe centrale et orientale regardaient alors vers la France. Ils furent profondément inquiétés par l’accusation calomnieuse montée par de hauts gradés de l’état-major français contre le capitaine Dreyfus : cette accusation contraire àtoute vérité et contraire aux Droits de l’Homme et du Citoyen prouvait qu’en France, presque un siècle après la Révolution, les officiers du plus haut rang, chargés du commandement de l’armée, et les plus hauts directeurs de l’administration judiciaire étaient attachés àréduire ànéant l’Å“uvre de la Révolution et s’arrogeaient de mentir et de violer les Droits de l’Homme et du Citoyen : la démarche des Droits de l’Homme et du Citoyen était en échec, et le procès fait au capitaine Dreyfus prouvait cet échec.
- En même temps, la thèse de l’accusation, qui désignait l’état-major impérial et royal d’Autriche-Hongrie comme supposé bénéficiaire de la prétendue trahison du capitaine Dreyfus, était de nature àinterpeler tout particulièrement les sujets juifs de la double monarchie : c’est dans ces conditions que Théodore Herzl, journaliste et écrivain juif hongrois, est venu àParis assister aux péripéties politiques et judiciaires que provoquait le procès du capitaine Dreyfus.
- Très vite, ces péripéties lui sont apparues comme une preuve que la démarche des Droits de l’Homme et du Citoyen ne conduit pas àbriser le statut précaire, humiliant et dangereux réservé aux Juifs par les monarchies d’Europe ; se dispensant de prendre réellement connaissance de la nature et des conséquences de l’intervention d’Emile Zola, puis de Jean Jaurès et des autres progressistes français, et ignorant leur signification profonde, Théodore Herzl conclut au rejet de la revendication de l’égalité en droits de tous les êtres humains, et, tournant le dos àl’idée de laïcité, s’attacha àélaborer une solution ethnique au problème juif : la création d’un état juif ; les écrits dans lesquels il expose et argumente ce projet sont les premiers actes du sionisme moderne.
- Mais l’intervention d’Emile Zola et des autres progressistes français avait démontré que l’accusation lancée contre le capitaine Dreyfus était sans fondement : c’est elle qui a obtenu sa libération ; par là, elle démentait le jugement porté par Théodore Herzl contre la démarche des Droits de l’Homme et du Citoyen. Par sa hâte excessive, Théodore Herzl a donc bâti son orientation politique sur une idée fausse.
- En vérité, c’est réellement un échec de la démarche des droits de l’Homme et du Citoyen que les cercles directeurs les plus élevés des administrations militaire et judiciaire (entre autres) françaises soient entre les mains de personnes qui la combattent et qui la réduisent ànéant.
- Mais en se dispensant d’observer la lutte engagée par Emile Zola et surtout, en se refusant àrechercher les causes de cet échec et àreconnaître les forces susceptibles de le surmonter, Théodore Herzl a initié parmi les sujets juifs des empires et royaumes européens un mouvement qui les détournait de la démarche des Droits de l’Homme et du Citoyen, affaiblissant ainsi leur revendication de démocratie et de liberté, et prolongeant de ce fait la survie de ces Anciens Régimes : il s’est fait le relais de l’action des nostalgiques français de l’Ancien Régime qui gardaient la haute main sur ce que Jean Jaurès appelait la haute administration et la haute armée françaises.
- De cette manière, il a placé aux sources du sionisme moderne un parti-pris entièrement réactionnaire, que confirme l’aboutissement du sionisme, l’état d’Israë l, par sa nature de système d’inégalités et de privilèges.

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