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Lettre ouverte d’un communiste àdes communistes

pour que vive le communisme !

jeudi 5 juillet 2007, par Jean-Pierre Combe

- Cher camarade,
- Je suis communiste depuis cinquante ans, et les résultats obtenus par la secrétaire nationale du PCF aux élections présidentielles de ce printemps, ainsi que ceux obtenus par les candidats du PCF aux élections législatives qui ont suivi, ont attiré mon attention : je ne doute pas qu’ils aient aussi attiré la tienne.
- Je considère que le résultat obtenu par Marie-George Buffet aux présidentielles est un véritable désastre, et que la très sensible diminution que marquent les résultats des candidats du PCF aux législatives de cette année sur les précédentes aggrave encore ce désastre. Cela m’a poussé àlire le rapport fait au Conseil national du PCF réuni le 22 juin dernier par sa secrétaire nationale.


- Oh certes, je n’ai voté ni pour la candidate membre du PCF aux présidentielles, ni pour les candidats de ce parti aux législatives : depuis longtemps en effet, j’ai été frappé par la longue suite d’abandons des principes et des pratiques communistes que la direction du parti a opérés, avec, comme je l’ai constaté, un remarquable esprit de suite. Lorsque le PCF a refondu son processus financier, le nouveau processus qu’il a adopté m’est apparu de nature àpriver les organisations de base du PCF de toute autonomie, en fermant autour d’elles un carcan bien commode pour une direction autoritaire : j’ai identifié ce nouveau processus comme anticommuniste, et j’ai cessé de cotiser au PCF.
- Je n’ai pas cessé d’être communiste : et dans cette situation nouvelle pour moi, j’ai rencontré de nombreux autres communistes : dans toute la France, on peut nous compter par dizaines de milliers !...
- Les évènements de nos vies de militants qui nous ont conduits hors du PCF sont très divers et constituent pour chacun de nous une histoire singulière ; j’ai eu l’occasion d’en écouter plusieurs récits : plusieurs des camarades qui m’ont parlé ont vécu des choses que j’avais moi-même vécues au sein de comités de section ou de fédération : certains dirigeants, pas toujours les secrétaires, écartaient des discussions mes arguments et les questions que je posais sans les écouter, sans y répondre et sans permettre aux autres membres du comité de réagir ; les réunions terminées, ils agissaient au nom de la section ou de la fédération en interprétant les débats du comité d’une manière toujours unilatérale, ils ne tenaient compte ni de mes arguments, ni des questions que j’avais posées ni des réponses que parfois les membres des comités avaient réussi àapporter.
- Ce processus, évidemment contraire àtoute démocratie, nous en avons été les victimes ; c’est lui qui nous a rapidement rendu impossible la vie dans le PCF ; pour certains d’entre nous, il a pris l’allure d’une exclusion qui ne voulait pas dire son nom, mais pour la plupart, nous refusions d’y voir un processus d’exclusion ; le fait est que bien souvent, les membres de nos cellules auraient majoritairement voté contre l’exclusion si elle avait été demandée.
- En vérité, ce processus n’a pas seulement mis hors du PCF de nombreux communistes : lorsqu’il n’a pas détruit leurs cellules, il en a certainement hâté la fin.
- Mais c’est en mon nom que je parle.
- Dans le rapport de la secrétaire nationale, je cherchais comment elle réagit au désastre du parti ; voici ce que j’y ai lu :
- Dans la vie politique de notre pays, elle ne voit qu’un affrontement gauche-droite ; le PCF ne serait qu’une nuance de la gauche veillant àce que l’affrontement gauche-droite ne se transforme pas en un affrontement démocrates-républicains, et dont l’ambition serait de rassembler toute la gauche sur un projet de changer la vie.
- Elle attribue son échec aux présidentielles àtrois causes majeures : deux sont externes, l’une serait une hésitation de membres du PS consécutive àleur choix de la synthèse, l’autre, le refus de la candidature unique par la LCR ; la troisième est interne : le PCF aurait surestimé sa capacité àtransformer la dynamique du NON de 2005 en une adhésion populaire àun projet alternatif.
- De quel projet alternatif s’agit-il ? Nous le connaissons depuis la campagne référendaire de 2005 : c’est celui de rendre « antilibérale » ou « sociale » la constitution européenne.
- Dynamique pour dynamique : depuis 2005, le PCF ne se heurte-t-il pas àune autre dynamique, plus forte que ses analyses, celle des membres de notre peuple qui, accablés par les fermetures d’usines et d’ateliers, par les délocalisations d’entreprises, trouvent dans leur misère et leur accablement mille raisons de rejeter l’auteur de cette Å“uvre qui est le gouvernement de l’Europe supranationale, et avec lui, toutes les institutions que ce gouvernement actionne avant même d’avoir une existence officielle ? Mille raisons de rejeter la destruction de nos lois par la construction européenne àquoi nos députés acceptent de passer les quatre cinquième de leur temps de législateurs ? Mille raisons de rejeter ce que les technocrates et autres valets des grands capitalistes appellent l’Europe ?
- C’est ce que je pense, et je donne tort aux chefs mutants du PCF de militer pour l’Europe alternative ou pour l’Europe sociale : ils ne font qu’actionner un miroir aux alouettes planté juste àportée des coups que les maîtres du grand capital assènent aux peuples qu’ils veulent exploiter davantage.
- L’ambition que la secrétaire nationale assigne au PCF, est-elle àla hauteur de la lutte anticapitaliste nécessaire ? Que veut dire changer la vie, dans cette ambition ?
- Comment décrit-elle la situation dans laquelle est notre société ?
- Du point de vue social, elle dit que le modèle de l’emploi stable, du bon salaire, de la retraite digne, de l’accès àla santé n’a plus guère de cours aujourd’hui.
- Â« Le modèle » !? En employant ce mot, elle déverse une montagne d’inexactitudes et d’approximations sur ses auditeurs et sur ses lecteurs, mais il y a plus grave : elle efface le lien qui unit l’emploi, le salaire, la santé aux luttes du présent et àcelles du passé ; elle vide les luttes de l’avenir de toute signification réelle.
- Se plaçant en idéologie, elle exploite cette impasse en dénonçant sans frais le recul de deux idées : l’espoir de mieux vivre par l’action collective, et l’idée qu’il serait possible de changer le cours de l’économie et du travail.
- Sans frais, c’est-à-dire en oubliant que les idées n’avancent ni ne reculent par elles-mêmes : lorsque ces idées avançaient, qui les portait ? Les communistes. Et depuis quand reculent-elles ? Depuis que le PCF ne les porte plus.
- En ce qui me concerne, je dénonce ici la responsabilité de membres de directions fédérales et de la direction nationale du PCF qui cédaient àla pression idéologique de la bourgeoisie au pouvoir et qui, de longue main, préparaient la mutation du parti comme j’en fus le témoin malheureux.
- A propos des luttes de notre peuple, la secrétaire nationale nous dit dans son rapport que depuis trente ans, les luttes de conquête sociale ont disparu, remplacées par des luttes de résistance et de défense d’acquis sociaux.
- Mais pourquoi n’analyse-t-elle pas la façon dont le PCF a modifié son discours et ses objectifs au cours de la même période ? Ici aussi, je dénonce la responsabilité de ces dirigeants du PCF.
- La secrétaire nationale énonce plusieurs caractères de l’évolution du travail en France : l’éclatement des lieux de travail, la précarité, un développement de certaines technologies et l’élévation de certaines qualifications en notant qu’il en est résulté des modifications dans les rapports entre salariés et dans le rapport du salarié au travail.
- Mais pourquoi ne dit-elle pas que c’est le patronat français, bien relayé et bien servi par tous les gouvernements français, qui a opéré dans l’intérêt des propriétaires de capitaux ces modifications de la division du travail ? Et pourquoi fait-elle de la précarité un sentiment, alors que c’est une modalité du travail définie par sa nouvelle division ?
- Lorsqu’elle dénonce la progression des violences quotidiennes, individuelles et collectives, pourquoi oublie-t-elle l’exploitation des travailleuses et des travailleurs par les privilégiés du capital, qui est aujourd’hui la première des violences, celle qui les engendre toutes ?
- Les résistances àtoute cette misère, le maintien de luttes sociales de haut niveau, les luttes pour l’environnement et pour l’avenir de la planète, le féminisme, la revendication de l’école pour tous les enfants, du logement pour chaque personne, et d’autres, pourquoi les mentionne-t-elle sans les analyser, pourquoi les présente-t-elle, comme elle le fait àtort, comme surgies du néant ?
- En lisant cette partie de son rapport, je n’ai rien appris sur l’état de notre société, ni sur les luttes qui l’animent : ce sont les carences de son analyse dont j’ai pris connaissance.
- Raisonnant sur ces bases, que peut-elle bien dire aux membres du parti qu’elle dirige ?
- Interprétant les résultats des élections comme le ralliement, que la nouvelle division du travail aurait favorisé, des travailleurs au projet de la droite et du patronat, elle se propose de trouver de nouveaux moteurs d’unité des salariés.
- Mais elle pose d’abord une question préliminaire : le communisme, faut-il y voir un héritage de notre histoire, ou une visée d’émancipation humaine ?
- Cette question est un piège, car le communisme ne peut être assimilé ni àl’un, ni àl’autre.
- Le communisme en vérité, c’est une prise de parti d’agir concrètement dans le temps présent pour obtenir des effets réels et décisifs qui favoriseront les progrès de la classe ouvrière, les progrès du peuple travailleur tout entier, en vue de l’expropriation de la bourgeoisie capitaliste : la secrétaire nationale du PCF se sert de la question « histoire ou visée  » pour écarter la réalité du communisme.
- L’ayant écartée, elle choisit la visée, ce qui écarte l’histoire.
- Ce qui reste, c’est une réponse idéaliste, une réponse que ne fonde aucun fait du monde réel, qu’elle impose aux membres de son parti et grâce àlaquelle elle encadre toute la discussion qui suit dans sa représentation idéaliste. Idéaliste, c’est-à-dire contraire au matérialisme, qui est la condition nécessaire àtout critère fiable de vérité.
- Par sa réponse préliminaire, elle a donc protégé le pouvoir qu’elle exerce sur le PCF contre tout démenti que pourrait lui opposer la vie réelle de ses membres : elle a brandi l’argument d’autorité contre les arguments fondés en réalité.
- L’objectif du PCF est àses yeux de dépasser le capitalisme. Mais cet objectif a été assigné au PCF assez récemment, par des dirigeants de sections et de fédérations dont certains devenaient alors des dirigeants nationaux ; ils s’appuyaient fortement sur le tintamarre médiatique par lequel la bourgeoisie exploitait l’effondrement du camp socialiste ; ils préparaient la mutation du PCF.
- Que pouvons-nous constater depuis lors ? Simplement qu’en s’efforçant de dépasser le capitalisme, le PCF l’a laissé libre de développer sa malfaisance. L’effort fait par le PCF pour dépasser le capitalisme a certainement contribué àce que grandisse l’influence politique des partis ouvertement capitalistes, dits « de droite » et « d’extrême-droite », et àce que le parti socialiste se tourne beaucoup plus clairement vers le service et l’aménagement du système capitaliste.
- L’objectif historique du communisme, pour lequel le congrès du parti socialiste SFIO réuni àTours en décembre 1920 a voté l’adhésion àl’Internationale communiste, est d’abolir le capitalisme.
- Abolir le capitalisme, cela suppose que l’on exproprie les grands capitalistes, en leur confisquant les biens dont ils sont propriétaires et qui leur confèrent le pouvoir exorbitant et illégitime qu’ils exercent ; cela suppose que l’on soumette ces biens àune propriété collective, véritablement nationale ! il s’agit làd’actions concrètes portant sur la réalité de l’économie et du travail : le critère matérialiste de la vérité fonctionne très bien dans la conduite de ces actions, en permettant au peuple de prendre connaissance de l’évènement depuis son commencement jusque dans ses conséquences ultimes, et grâce àcela, il peut agir en sachant ce qu’il fait. Abolir le capitalisme est un objectif communiste.
- Dépasser le capitalisme, c’est se bercer d’illusions et renoncer àtoute révolution.
- Marie-George Buffet et ses amis qui assignent au PCF l’objectif illusoire de dépasser le capitalisme, et qui ont détourné ce parti de son objectif fondateur et révolutionnaire d’abolir le capitalisme, imposent en fait aux communistes de cesser d’être communistes. Sont-ils eux-mêmes encore communistes ?
- Cette question les travaille : déjàcertains d’entre eux, des plus connus, proposent depuis longtemps de changer le nom du PCF afin que n’y figure plus le mot « communiste ». Cédant comme ils le font très souvent àla pression de l’idéologie bourgeoise, ils voient dans le mot « communiste » un handicap : le rapport impute àce mot « le poids de l’échec du socialisme réel » ; le « socialisme réel », la chute du mur de Berlin sont seulement invoqués, et seulement pour décrire ce handicap en huit mots : le passé, un engagement sans avenir, une faillite économique, sociale et démocratique ; le rapport peut alors battre la coulpe du PCF qui n’aurait pas réussi àse dégager de cette expérience.
- Comment devrait-il le faire ? La secrétaire nationale rappelle les efforts déjàfaits pour cela : condamner le socialisme, et pour ce qui concerne le PCF, changer son idéologie, sa stratégie, sa démarche, son fonctionnement...
- Des communistes auraient commencé par soumettre l’évènement àl’analyse critique et historique afin d’identifier les forces sociales qui s’affrontaient ; dès les lendemains des évènements, la matière nécessaire existait, fournie par les premiers travaux, même encore partiels, d’historiens communistes et par de nombreux témoignages àvaleur de documents pour l’histoire que nos journalistes recueillaient : où est, dans l’énumération que contient le rapport, l’examen qui aurait conduit àcette analyse ? Ce qui se montre là, c’est la carence des mutants qui dirigent le PCF en matière d’analyse des évènements économiques, sociaux et politiques.
- La secrétaire nationale ne saurait mentionner cet examen parce qu’elle-même et ses amis mutants ont soigneusement tenu ce chantier fermé et inaccessible aux militants, et parce qu’ils continuent de le faire.
- Dévoyé par ces dirigeants qui préparaient la mutation, le PCF a condamné sans prendre connaissance de la cause, et jeté l’enfant avec l’eau du bain.
- Après cela, c’est vrai, il était logique de changer les idées, la stratégie, la démarche, le fonctionnement, en somme, le parti !
- Et maintenant, il est logique de changer son nom.
- La secrétaire nationale n’est pas contre, mais elle voit encore une question préliminaire : dans son rapport, elle demande si un tel changement de nom serait le moyen de lever le handicap qu’elle dénonçait un peu avant.
- Certes, elle répond que ce changement ne résoudrait pas le problèmes d’identifier clairement la « visée communiste », ni celui de la pertinence, de la lisibilité de son projet et de la perception qu’en a le peuple. Elle précise en même temps qu’identifier clairement la « visée communiste » nécessite encore que le PCF se sépare des expériences du passé et prenne ses distances avec les expériences actuelles.
- En somme, elle veut s’assurer qu’elle en a bien fini non seulement avec le socialisme, mais avec sa revendication ; quant au communisme, elle veut fermer les fenêtres par lesquelles lui parvient la rumeur des peuples en lutte.
- Mais pourquoi est-ce donc qu’elle s’inquiète ? Changer le nom du PCF n’est pas de nature àl’empêcher de résoudre ces deux problèmes dans le sens indiqué par son rapport.
- Pour ce qui est de notre société, la secrétaire nationale souhaite que le PCF n’apparaisse pas comme accompagnant le mouvement qui la tire vers le bas, mais se montre plutôt comme recherchant comment chacun peut trouver sa place et réussir en société.
- Mais pour se montrer ainsi, il faut que le PCF adopte une posture qui n’a de sens que dans une société dont ni les structures, ni la dynamique ne changent : que peut être une telle posture si ce n’est celle de l’accompagnement ? En vérité, la secrétaire nationale voudrait que le PCF accompagne sans en avoir l’air une société qui écrase le peuple.
- Sur les questions de sécurité et d’immigration, elle aurait voulu que le PCF chemine àpartir du vécu et de l’opinion des femmes et des hommes qui l’entourent ; l’obstacle, c’est évidemment l’impuissance où est tombé le PCF par suite de ce qu’il a détruit les cellules, qui étaient la base active de son organisation.
- Comment peut-elle alors croire possible de remettre le PCF en capacité d’intervenir partout et en permanence ? Il faudrait pour cela refaire les cellules communistes et les remettre en fonction, ce qui est impossible sans le centralisme démocratique.
- D’où lui vient sa prétention de faire vivre la souveraineté des communistes en tirant le bénéfice de l’abandon du centralisme démocratique ? Car le centralisme démocratique, que le PCF a abandonné depuis quelques congrès, était tout àla fois la condition nécessaire àla souveraineté des communistes sur leur parti et le moyen efficace d’exercer cette souveraineté.
- Dans ces conditions, que vaut l’injonction de Marie-George Buffet de mettre immédiatement le PCF dans l’action ? L’action dont elle parle, elle la définit àpartir des mesures décidées ou annoncées par les gouvernements : le mouvement populaire de revendication n’en est pas la source. Elle propose de promouvoir l’activité et la prise de parole des femmes et des hommes de gauche, et de faire appel àdes spécialistes : que fait-elle des travailleurs et de leurs intérêts ? A lire son rapport, il semble bien qu’ils n’existent pas !
- Elle peut bien toujours appeler son parti àmaintenir l’idée de changement : je dois noter que pour tous ceux qui dirigent le PCF avec elle, il n’est plus, depuis longtemps, question de révolution.
- En fin de compte, c’est avec juste raison que la secrétaire nationale du PCF a refusé d’être candidate communiste aux élections présidentielles : elle-même n’est plus communiste, et ses amis qui l’ont approuvée dans ce refus ne le sont plus non plus !
- Sous leur direction, le PCF a vécu.
- Vive le parti communiste français fondé àTours en 1920 et organisateur inlassable du combat antifasciste, pour lequel il a pris les armes pour défendre en Espagne la République contre Franco et ne les a pas reposées avant la défaite des fascismes de 1945 : ce parti, les chefs de la mutation du PCF n’en sont pas membres...

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