Ami de l’égalité

De l’éducation communiste

mercredi 1er août 2007, par Jean-Pierre Combe

- L’éducation communiste est un processus institué en son sein par le parti communiste français une dizaine d’années après qu’il fut créé. Il répondait àun besoin né de l’adhésion du parti socialiste français àl’Internationale communiste, votée en décembre 1920.

- Cette adhésion impliquait :

  • que soient exclus de la direction du parti tous les dirigeants qui s’étaient, en 1914, ralliés àla politique d’Union sacrée, et avaient ainsi contribué àenvoyer ouvriers et paysans de France et des colonies se faire massacrer en masse pour permettre aux bourgeoisies française et anglaise de faire main basse sur les colonies que le Reich allemand s’était appropriées àla fin du dix-neuvième siècle ;
  • que soient exclus du parti tous ses membres qui se faisaient propagandistes des politiques opportunistes ;
  • que la nouvelle direction du parti soit constituée de militants qui défendent fermement les positions politiques et les intérêts de la classe ouvrière des villes et des campagnes, en servant et propageant la revendication révolutionnaire d’exproprier le bourgeoisie, de lui interdire de servir ses intérêts au moyen de la guerre, et de placer les usines, les mines, les banques sous propriété collective de la Nation.

- Le vote de l’adhésion àl’Internationale communiste, acquis àla majorité de trois mandats sur quatre, avait été suivi de la démission d’une minorité du congrès de Tours, bientôt rejointe par la plupart des opportunistes les plus en vue ; en quelques mois, toute l’ancienne structure de direction du Parti socialiste Section française de l’Internationale ouvrière (PS-SFIO) fut exclue du tout jeune Parti communiste français ; trouver les militants qu’ils fallait pour diriger le parti communiste ne fut pas simple : on n’avait éliminé que les opportunistes les plus évidents ; il fallut subir d’autres petits bourgeois, qui, parfois, croyaient sincèrement servir la classe ouvrière, mais qui n’avaient pas su se dégager de la culture petite bourgeoise dans laquelle ils avaient été élevés ; ce fut la période des errements idéologiques aléatoires, d’un opportunisme àl’autre en passant par divers dogmatismes.
- Ce n’est que lorsque le mouvement des jeunes communistes eut trouvé ses propres dirigeants parmi ses membres ouvriers et les eut formés que le parti communiste trouva parmi eux les membres d’une direction communiste solide : ce fut celle dont un mineur du Nord, Maurice Thorez, fut secrétaire général.
- La tâche incombant àcette direction était immense : il fallait accomplir la transformation de l’ancien parti socialiste en un parti communiste en corrigeant les fautes commises par les directions erratiques qui l’avaient précédée ; il fallait obtenir que désormais, la vie du parti respecte deux exigences simultanément, malgré et contre toutes les répressions que le parti communiste allait devoir affronter, et sans rien céder des positions et intérêts ouvriers dans la lutte des classes :

  • l’égalité des droits de chacun de ses membres sur le parti : le principal de ces droits est celui de participer àla vie, aux décisions et àl’action du parti ; cette exigence est inscrite dans le principe de démocratie ;
  • la cohérence des actions individuelles de tous les membres du parti, qui assure que leur résultante collective est l’action collective communiste la plus efficace possible ; cette exigence est inscrite dans le principe de centralisme ;

- Ce que les communistes appellent le centralisme démocratique est l’effort par lequel ils respectent ces deux exigences en même temps ; c’est aussi l’ensemble des règles dont ils se dotent pour assurer que la vie et l’action des communistes respecteront ces deux exigences en tous temps et en tous lieux sans que l’une soit jamais prioritaire sur l’autre.
- Or, même s’ils les rejetaient, les militants du jeune parti communiste étaient imprégnés des structures et des habitudes politiques du Parti socialiste Section française de l’Internationale ouvrière, celles précisément qui avaient permis aux chefs de ce parti la spectaculaire et catastrophique trahison que fut le ralliement àl’Union sacrée : les organisations de base du Parti socialiste étaient les sections territoriales ; il réunissait ses militants par sections, pour des discussions souvent très désordonnées ; l’effectif et la diversité professionnelle de ces assemblées assuraient que ces discussions ne pouvaient aboutir qu’àdes décisions de principe toujours très éloignées de la situation économique, politique et culturelle concrète que les membres du parti vivaient chaque jour ; il en résultait que ces décisions ne déterminaient que très faiblement les chefs du parti ; et de fait, ce n’était ni le congrès, ni le secrétariat qui dirigeaient le parti, mais les élus qui le représentaient àla Chambre des Députés.
- Tout cela faisait que le Parti socialiste Section française de l’Internationale ouvrière était tiraillé entre des politiques aussi parfaitement contradictoires que celle de Millerand, pour qui un député socialiste pouvait participer àun gouvernement bourgeois même lorsque ce gouvernement réprimait militairement le mouvement ouvrier et paysan, l’était avec celle de Jaurès, que sa recherche sincère et véritable des principes socialistes rapprochait sans cesse du marxisme, au point qu’au printemps 1914, il menaçait les gouvernements d’Europe d’un mouvement populaire qui transformerait la guerre impérialiste qu’ils se préparaient àfaire en une révolution qui chasserait les gouvernements bourgeois et les remplacerait par des gouvernements socialistes. Que Jaurès ait été assassiné juste avant la proclamation de la politique d’Union sacrée n’est pas un hasard. Et la réalité du crime contre l’humanité que fut la guerre faite de 1914 à1918, qui matérialisa la politique d’Union sacrée, était très présente dans les esprits de ceux des membres du Parti socialiste qui choisirent l’adhésion àl’Internationale communiste.
- Pour s’organiser, le jeune parti communiste posa plusieurs principes :

  • les militants qui recevraient du corps électoral un mandat de représentant, quel qu’en soit le niveau, resteront des militants comme les autres, sans droit particulier sur le parti : ce principe subordonne les conseillers, députés et éventuels ministres communistes aux décisions prises par le parti dans ses instances régulières ;
  • la nouvelle organisation de base est la cellule, dont la vocation est d’être l’organisatrice de la lutte politique des exploités contre l’exploitation capitaliste, làoù a lieu l’exploitation et làoù agissent les exploiteurs et leurs lieutenants : les cellules sont constituées làoù travaillent les communistes, entreprise par entreprise (agricole autant qu’industrielle) et atelier par atelier ; ayant ainsi lieu dans les cellules, le débat des communistes interfère avec l’expérience pratique des militants confrontés àl’exploitation capitaliste : cela fait de chaque cellule un organe indispensable au développement politique des luttes de classes, et cela fait de l’éducation communiste une tâche d’organisation permanente et importante des cellules ;
  • les sections sont maintenues, avec une définition territoriale plus précise et une fonction différente : désormais, elles auront àcréer, animer et coordonner les organisations de base sur leur territoire, et d’assurer leur information, aussi bien celle qui émane des cellules que celle qui doit leur parvenir : l’éducation communiste est une fonction importante des sections communistes.

- En même temps, l’actualité politique imposait des sujets urgents ; c’était la défense des marins mutinés de la Mer Noire qu’il fallait assurer et populariser ; c’était la défense des salaires menacés par le retour àla paix et la démobilisation du grand nombre des soldats ; c’était le colonialisme, l’exploitation des peuples coloniaux et leur exploitation cynique qu’il fallait dénoncer devant les peuples et condamner, et le droit des peuples àdisposer d’eux-mêmes et donc àse séparer de la métropole qu’il fallait faire avancer dans la conscience des Français.
- Sur tous ces sujets, il fallait que l’éducation communiste anticipe sur l’organisation communiste : le parti communiste fit rédiger des brochures àbon marché et mit des militants àla tâche d’exposer par toute la France le point de vue communiste et ses raisons ; Marcel Cachin fut l’un d’eux.
- Enfin, pour enseigner systématiquement le socialisme scientifique, la direction dont Maurice Thorez était le secrétaire général institua les écoles du parti, en trois niveaux, et stimula la participation de communistes àl’enseignement d’Universités populaires ouvertes au public, et que ne fréquentaient pas seulement des ouvriers.

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