Il s’agit ici du mouvement dans son acception la plus générale : il s’achève avec la fin de la chose, ce à quoi doit nous faire penser le proverbe « toute chose a une fin », et commence avec son début, ce qui pourrait nous pousser à créer le proverbe « toute chose a un commencement », et tous les différents moments de la chose enchaînés les uns aux autres depuis le début jusqu’à la fin composent son histoire.
Le mouvement de la chose ne naît pas de rien : il est déterminé par l’essence de la chose.
Lorsque nous cherchons ce qui fait le mouvement d’une chose, nous nous apercevons très vite que les aspects de cette chose que nous pouvons saisir sont eux-mêmes en mouvement ; prenons-les tous en considération, et nous nous apercevrons que la chose n’existerait pas si ces divers mouvements ne tenaient pas ensemble, et qu’ils ne peuvent tenir ensemble que s’ils interagissent.
A la recherche de l’essence de la chose, nous devons donc étudier ces interactions, sans rompre le mouvement de la chose.
Prendre en considération le mouvement d’un des aspects de la chose nous conduit à considérer ensemble les mouvements de tous les autres aspects de la chose : nous l’exprimons en disant que ces autres mouvements constituent ensemble le mouvement contraire de celui que l’on a pris d’abord en considération. Il faut maintenant étudier l’activité de cette contradiction.
Ensuite, il faudra faire la même étude en prenant en considération un à un tous les autres aspects de la chose, puis toutes leurs combinaisons deux à deux, trois à trois etc...
Parmi toutes ces contradictions, certaines sont remarquables par leur relation avec ce que nous savons du mouvement de la chose : l’un des mouvements contradictoires tend à imposer une modification à la chose, alors que l’autre s’y oppose directement, l’action résultante modifiant la modification dans le sens du mouvement simplement observé sans analyse ; cette contradiction participe à l’essence de la chose. Nous pouvons facilement concevoir que les contradictions qui participent à l’essence de la chose se composent en une seule contradiction dont l’activité détermine entièrement le mouvement de la chose : cette contradiction composée est l’essence de la chose. Pensons encore que l’essence est elle-même une chose en mouvement et doit elle aussi être analysée comme une chose en mouvement.
Le processus de recherche de l’essence est long ; mais l’intuition nous permet le plus souvent de le raccourcir : mais aussi, c’est au risque de l’erreur.
De plus, la dialectique a pour fonction d’élaborer des représentations du mouvement, mais pas de prouver la vérité de leur rapport au mouvement concret de la matière. Pour obtenir cette preuve, il faut analyser l’interférence du mouvement représenté et du mouvement de la vérité. Les idéalistes choisissent selon leur école pour mouvement de vérité un mouvement qui procède d’une représentation arbitraire du monde : il y a autant de mouvements idéalistes de vérité qu’il y a d’écoles philosophiques idéalistes (les religions sont des écoles philosophiques idéalistes), et à cause du caractère arbitraire de leurs représentations du monde, leurs mouvements de vérité sont deux à deux incompatibles (deux religions ne peuvent mettre en accord leurs dogmes fondamentaux que si elles se fondent l’une dans l’autre) ; le mouvement de vérité des matérialistes consiste à confronter la représentation au mouvement concret de matière qu’elle représente : si le mouvement concret de matière contredit la représentation, cela signifie que la construction spirituelle est fausse et doit être rejetée ; le mouvement concret de matière ne dépendant pas des personnes qui l’étudient ou qui l’exploitent, le matérialisme n’est pas arbitraire ; la description de tous les mouvements de matière est une plate-forme commune à toutes les représentations matérialistes du monde, et elle s’élargit chaque fois que les sciences progressent ; les progrès des sciences tendent à unifier les représentations matérialistes du monde au rythme de l’élargissement de leur plate-forme commune ; on voit ici que leur incompatibilité avec les représentations idéalistes est essentielle.
En conclusion de cet article, j’en appelle au mouvement humain du plaisir : par le quatrain que voici, Aragon donne une valeur esthétique à la pensée du mouvement :
- La merveille de la musique,
- C’est de n’être que mouvement.
- C’est comme l’eau que l’on regarde,
- Et tout y bouge vaguement.
Ce qui nous donne à comprendre que la dialectique dépasse la connaissance.