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Pour l’unité des communistes

Pour une politique internationale des communistes

Réponse àDanièle Bleitrach

mercredi 30 avril 2008, par Jean-Pierre Combe

- J’ai lu les PROPOSITIONS de Danièle Bleitrach POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE INTERNATIONALE DES COMMUNISTES FRANÇAIS ; ce texte, rendu public sur le blog socio13.wordpress.com/2008/04/20/, a appelé une réponse de ma part ; voici cette réponse :

- Chère camarade,
- Je viens de prendre connaissance des propositions pour une nouvelle politique internationale des communistes français que tu m’as adressées en même temps qu’àd’autres correspondants.
- Discuter entre communistes indépendamment de leur éventuelle adhésion au PCF ou àtel ou tel groupe de communistes est la démarche que j’ai adoptée depuis une décennie ; elle est nécessaire pour une seule raison : les communistes inorganisés, n’adhérant ni au PCF ni àun autre groupe de communistes, se situant comme nous disons depuis fort longtemps « dans la nature », sont aujourd’hui plus nombreux que la réunion des communistes membres du PCF ou des autres groupes de communistes : tel est le résultat le plus clair de l’emprise croissante des réformistes, puis de leur prise du pouvoir, sur le PCF, et de la politique de mutation qu’ils lui ont imposée.
- Nous devons donc discuter entre communistes ; mais pour mettre les communistes en capacité d’intervenir dans cette discussion, il nous faut discuter publiquement.
- Donc, discutons : aujourd’hui, je vais te dire comment je réagis àtes propositions.

- Premier point : tu proposes trois critères pour établir notre politique propre (la politique des communistes français) : les intérêts des couches populaires françaises, notre indépendance nationale et la revendication d’un ordre international plus juste et respectueux des souverainetés.
- Ce premier point présente deux faiblesses :
- D’abord, tu ne définis nulle part le mot peuple et ne discutes pas de son sens : or, ceux qui préparaient la mutation du PCF ont beaucoup fait pour que les communistes cessent d’employer ce mot ; ils faisaient mine de ne pas le comprendre, et prétendaient qu’il était sans relations avec la lutte des classes... Ils ont ainsi créé la situation actuelle qui interdit aux membres du PCF de discuter de ce qu’est le peuple, de préciser quelle sont les places relatives du peuple et de la classe ouvrière, du peuple et de la nation, de la classe ouvrière et de la nation ; nous voyons aujourd’hui que le résultat n’est pas brillant : entre autres exemples, la direction du PCF est impuissante devant la publication récente de livres de prétendus historiens qui reprennent certaines thèses nazies, encore tout récemment au sujet des pendaisons de Tulle, alors que ces thèses sont sans cesse démenties et réfutées par tous les témoignages et par la documentation !
- Ensuite, tu emploies le mot de souveraineté comme s’il n’avait pas besoin de précision ; tu ne dis pas quelle est la souveraineté que doit respecter l’ordre international : est-ce la souveraineté féodale, la souveraineté aristocratique, la souveraineté religieuse, ou la souveraineté nationale ? L’intense campagne d’agitation publique qui s’en prend aux Jeux Olympiques s’efforce en réalité de rétablir sur le Tibet la souveraineté religieuse, ce qui risque d’interdire pour longtemps le développement d’une souveraineté nationale : cette campagne d’agitation publique doit attirer notre attention sur la nécessité de préciser de quoi nous parlons lorsque nous traitons des souverainetés ; tu ne le fais pas : cette insuffisance expose ton texte àtoutes les manipulations réactionnaires.
- Mon avis est que nous devons au moins éclaircir les choses en disant qu’un ordre international juste est celui qui respecte la souveraineté nationale et elle seule, et qu’il en est ainsi parce que la souveraineté nationale appartient au peuple, parce que les travailleurs occupent dans le peuple une place et des fonctions déterminantes et parce que la justice exige que les puissants, aussi bien ceux des religions que ceux de la finance, lui soient soumis.
- Oui, il faut interdire àceux qui se disent communistes de défendre àl’étranger les classes exploiteuses contre les travailleurs et contre les peuples qu’elles exploitent, même lorsque l’exploitation se couvre des oripeaux de la religion !

- Deuxième point : tu as raison de montrer la nécessité de rompre avec la politique atlantiste commune au PS, àla LCR et aux autres trotskistes, et tu fais bien de dénoncer la haine de Cuba et de la Chine qui anime cette politique : mais pourquoi ne pas constater que cette haine est véritablement une haine de classe qui frappe tout ce qui est le socialisme ou un fragment du socialisme ? C’est vrai : il te faudrait alors montrer les ambiguïtés des évolutions de la société chinoise et celles de la politique antichinoise, et pour cela analyser les positions qu’occupent en Chine socialisme et capitalisme.
- Mais justement, je suis surpris que tu écartes cette question : tu tombes ainsi dans le piège que tu as ouvert en omettant de définir quelle souveraineté nous défendons ! Car défendre en Chine la souveraineté variable qui en résulte reviendrait (revient ?) ààprendre le parti de la bourgeoisie chinoise si celle-ci parvenait (mais n’y parvient-elle pas ?) àprendre en Chine la totalité des pouvoirs de gouverner !
- Pouvons-nous accepter que le respect de la souveraineté nous conduise àrenoncer de la sorte àla solidarité internationaliste ? Je dis que non, et c’est pourquoi j’exclus du champ de mes principes toute autre souveraineté que la souveraineté nationale.

- Troisième point : tout cela me conduit àsouligner une lacune de ton texte que j’estime essentielle : la lutte des classes en est absente, alors qu’elle est la réalité essentielle de (presque) toutes les sociétés du monde, et que la politique communiste consiste précisément àprendre le parti ouvrier dans les luttes de classes.
- La seule lutte de classes que tu mentionnes est celle créée au Népal et en Chine par l’existence d’une hiérarchie féodale et par l’existence de castes (àpropos de castes, pourquoi ne mentionnes-tu pas l’Inde ?). Pour le reste du monde, tu mentionnes l’exploitation ; mais l’exploitation n’est que l’un des processus constituants de la lutte des classes (il est vrai qu’il est aujourd’hui en France le processus dominant). Mais la lutte contre l’exploitation est absente de ton analyse : cela fait que l’exploitation n’est pas un argument de ton développement, mais seulement une mention qui évoque la lutte des classes, implicitement, sans y faire appel.
- Or, si la lutte des classes oppose et en même temps unit la classe ouvrière àla bourgeoisie (àla façon dont l’équitation unit le cheval àson cavalier), c’est parce qu’elle est composée de deux processus corrélés : l’exploitation et la lutte contre l’exploitation.
- C’est làune grave faiblesse de ton texte : peut-on comprendre en effet où sont les intérêts populaires, peut-on comprendre où sont les intérêts des nations sans faire l’analyse de la lutte des classes pays par pays ? Et si nous ne comprenons pas où sont les intérêts populaires et les intérêts nationaux, comment pouvons-nous espérer penser et suivre la réalité du développement des luttes libératrices, l’engagement des combats libérateurs ? Nous ne le pourrions pas !
- Faute d’avoir analysé concrètement les luttes des classes dont les Etats-unis d’Amérique sont le théâtre, tu ne vois pas qu’il faut reprendre l’habitude de distinguer dans chaque pays, dont le nôtre, le peuple du gouvernement, comme nous le faisions autrefois, en les mettant àpart l’un de l’autre dans nos analyses : cette distinction nous permettait de voir les intérêts de notre peuple en politique internationale et c’est grâce àelle que nous avons pu penser et réaliser, entre autres, le grand mouvement que fut, dans l’après-guerre de 1939-1945, le Mouvement de la Paix.
- Faute d’avoir analysé concrètement les luttes des classes, tu fais de la Chine, de l’Inde et du Brésil trois corps dont l’émergence actuelle serait essentiellement libératrice, sans voir que leur émergence même est diversement liée àl’action en leur sein des bourgeoisies en voie de mondialisation, qui investissent de très gros moyens pour contrôler ces sociétés, pour élargir et renforcer le prélèvement du profit sur l’ensemble du travail qui y est fait, c’est-à-dire l’exploitation capitaliste.
- Que ce soit sur l’Inde, sur la Chine ou sur le Brésil, comment pourrions-nous accepter le développement de la mainmise capitaliste, alors que nous avons sous les yeux la misère que cette mainmise impose àleurs peuples ? Cette misère est souvent, notamment en Chine, pire que celle que décrit Zola !...
- Que les capitalistes qui encaissent les profits prélevés sur ces pays aient la peau blanche, noire ou jaune n’a rigoureusement ici aucune espèce d’importance !
- Faute d’avoir analysé concrètement les luttes des classes, tu restes muette sur les significations des attitudes différentes adoptées aujourd’hui par les gouvernements bolivien, brésilien, colombien, équatorien et vénézuélien, alors que ces différences sont autant de résultats des différences concrètes que présentent entre elles les luttes des classes de ces pays : pouvons-nous permettre que l’on délivre un certificat de bonne conduite au racisme, au fascisme paramilitaire qui, aujourd’hui, gouverne la Colombie ?
- Faute d’analyser concrètement les luttes des classes, tu crois que la propriété étatique transforme le capitalisme : mais les soixante dernières années écoulées de l’histoire économique de la France te démentent sévèrement sur ce point ; sois un peu logique : dans une propriété collective dominée par l’Etat bourgeois, qui détient le pouvoir ? le profit cesse-t-il d’exister ? Et lorsqu’un plan encadre la gestion de cette propriété, fait-il obstacle au prélèvement du profit par les propriétaires du capital ?
- Sur toutes ces questions, l’expérience française est claire : seules les nationalisations opérées de 1945 à1947 ont diminué la domination de la bourgeoisie et le prélèvement du profit, mais ce ne fut pas grâce àla domination de l’Etat : ce fut grâce àun développement de la démocratie, qui a eu lieu dans tous le pays et qui a introduit, souvent au prix de dures luttes, un peu de République jusque dans les entreprises nationalisées : ce progrès de la République et de la démocratie était consécutif àla victoire de la Résistance sur les forces de la réaction bourgeoise, qui la combattaient au moyen de leurs ligues et milices de classe, de l’Etat pétainiste et des armées nazi-fascistes d’occupation ; c’est l’élan libérateur de la Résistance populaire qui a réalisé ce progrès de la République et de la démocratie contre la puissance qui était encore celle de l’Etat bourgeois après la défaite du pétainisme !
- Comparées aux nationalisations de la Libération, les « nationalisations » opérées après mai 1981 ne furent pas réellement des nationalisations, mais de simples étatisations : elles ne mettaient nullement en cause ni ne limitaient la gestion capitaliste de ces entreprises, et les capitalistes ont continué d’y prélever le profit, prenant seulement parfois la précaution de changer la méthode du prélèvement ; quelques temps après, la privatisation de ces entreprises étatisées fut singulièrement facile, surtout comparée àcelle des véritables nationalisations de la Libération.
- Nous voyons aujourd’hui que la gestion capitaliste de cette propriété àforme collective dominée par l’Etat a conduit aux privatisations, contribuant aux fermetures, aux restructurations, aux redéploiements, aux délocalisations, ..., àla désertification du pays français !
- Non ! Sauf exception, ce ne sont pas les Etats qui disputent aux multinationales les ressources énergétiques : ce sont les capitalistes qui se disputent ces ressources, et dans cette dispute de vautours, chacun emploie tous les moyens àsa disposition, les siens propres et ceux des Etats qu’il domine !
- Les exceptions, ce sont Cuba, grâce àla Révolution socialiste, le Vénézuéla, grâce àl’intervention bolivarienne des masses, dont la revendication de socialisme est récemment devenue explicite, et il se pourrait bien qu’un mouvement analogue des masses populaires boliviennes conduise bientôt la Bolivie àdisputer aux grands capitalistes multinationaux les ressources de son territoire national.
- Pour ce qui est de la Chine, je ne peux vraiment pas dire aujourd’hui si elle fait partie des exceptions.
- Quant aux multinationales, le jeu de la concurrence et des dominations intra-capitalistes les remodèle au fur et àmesure du développement de la mondialisation, qui n’est pas autre chose que leur domination sur le monde : les présenter comme une référence durablement stable de l’économie mondiale est une faute. Ce qui est stable, aujourd’hui, c’est la domination qu’exercent leurs propriétaires sur le monde et notamment sur les Etats qu’elles dominent : mais la physionomie des multinationales, les formes de leur domination sur les Etats et leurs puissances relatives évoluent sans cesse !
- En somme, je pense que les propositions que tu fais sont très en-dessous de ce dont les communistes ont besoin.
- Pour conclure, je veux dire que les idées que j’ai exposées ci-dessus sont mes idées, et ne sont pas une ligne politique délibérée et arrêtée. Je les ai déjàexposées, sous d’autres formes et àdiverses occasions, dans le Pôle de Renaissance communiste en France, dont je suis membre. Je t’en fais part comme j’en fais part àd’autres communistes, parce que le PRCF n’est pas la chambre close àlaquelle ses membres devraient réserver leurs discussions.
- Mes idées sont donc en discussion avec celles des autres membres du PRCF, et en même temps, nous entendons participer de plein droit et avec toute notre voix aux discussions des communistes, afin de contribuer àrendre ànotre peuple le véritable parti communiste qui lui manque aujourd’hui cruellement.
- Dans cet esprit, j’attire ton attention sur l’initiative prise par la Confédération d’Action communiste (CAC), formée àl’appel de notre camarade Georges Hage et àlaquelle adhère le PRCF, de proposer àtous les communistes d’accomplir une démarche commune pour mettre devant leurs responsabilités toutes les organisations qui ont appelé àvoter NON le 29 mai 2007, en leur proposant d’organiser une grande manifestation nationale afin que s’exprime l’aspiration des travailleurs àune lutte de masse cohérente contre l’ensemble de la politique de Sarkozy, du MEDEF et de l’Union européenne.
- Je soutiens cette initiative et je t’appelle, ainsi que tous les lecteurs de ce texte, àcontribuer àson succès.
- Je t’adresse mes cordiales salutations communistes.

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