A - Comment évolue la situation en Europe à partir du déclenchement de la Première Guerre mondiale ?
 31 juillet 1914 : Jean Jaurès est assassiné ; la Première Guerre mondiale commence. De mois en mois, la guerre ruine l’empire de Russie.
Les travailleuses et travailleurs russes font face aux conséquences de la guerre : la misère qui s’approfondit et la ruine du pays. Afin d’assurer leur survie, ils renforcent et perfectionnent mois après mois les soviets, les reliant les uns aux autres, faisant d’eux les maîtres d’œuvre de la revendication populaire, dont ils généralisent l’objet à tous les sujets vitaux pour les membres du peuple : la terre, le pain, la paix et tous les sujets connexes.
Décembre 1914 : Karl Liebknecht, député social-démocrate au Reichstag, le parlement de Berlin, vote contre les crédits de guerre ; avec Rosa Luxemburg et d’autres sociaux-démocrates, il entreprend de militer en Allemagne contre la guerre et pour l’application des résolutions anti-guerre de l’Internationale ouvrière.
5 au 8 septembre 1915 : conférence de Zimmerwald , canton de Berne, en Suisse ; des militants socialistes opposés à l’Union sacrée tiennent conférence pour rassembler les socialistes fidèles à l’internationalisme et lutter contre la guerre et contre le triomphe du chauvinisme et du militarisme dans les partis sociaux-démocrates ; cette conférence adopte un « manifeste de Zimmerwald », auquel adhèrent 28 partis socialistes ou socio-démocrates européens : ce manifeste demande la paix immédiate, sans indemnités ni annexions.
 1916 : Lénine publie « la grande trahison de la social-démocratie ».
24 au 29 avril 1916 : conférence de Kiental , canton de Berne, en Suisse ; des délégués des partis socialistes de toute l’Europe, dont Lénine , dénoncent la guerre en cours comme meurtrière, longue et inutile et renouvellent la revendication de Zimmerwald de la paix immédiate, sans indemnités ni annexions. Lénine argumente pour transformer la guerre impérialiste en une guerre révolutionnaire et expose son idée d’une nouvelle Internationale.
Février 1917  : la ruine de l’empire accomplie, le Tsar Nicolas II abdique ; alors commence la période du « double pouvoir ». Deux pouvoirs s’opposent en effet.
D’une part, la bourgeoisie et l’aristocratie maintiennent la Douma impériale (le parlement impérial), qui désigne un gouvernement ; il s’agit pour elles de maintenir l’empire grâce à un vernis d’apparence démocratique importé de l’empire d’Allemagne autant que des empires de l’Entente (alliance de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie, que viennent de rejoindre les États-Unis d’Amérique), contre les Empires centraux, allemand, austro-hongrois et ottoman.
D’autre part, le réseau des soviets assume la maîtrise d’œuvre de tous les mouvements de revendication populaire.
 Juin 1917 : parmi les soldats russes envoyés par le Tsar combattre en France, la revendication pacifiste d’être retirés de la guerre et renvoyés dans leur pays se développe, se manifeste par des refus d’obéissance aux ordres des officiers, et menace d’entrer en synergie avec les mutineries qui affectent l’armée française. Afin de combattre la contagion du pacifisme, deux régiments russes sont retirés du front et cantonnés à la Courtine, département de la Creuse : les soldats y forment un soviet.
 Été 1917 : la tendance bolchévique se sépare du parti social-démocrate et devient le parti communiste (bolchévik).
 Aoà »t 1917 : afin d’en finir avec le double pouvoir, le général Kornilov, chef de l’État-major impérial, tente un coup de force militaire pour liquider les soviets à Petrograd. De nombreux militants des soviets, parmi lesquels beaucoup de bolchéviks, se rendent dans les cantonnements et s’expliquent avec les soldats sur les enjeux politiques de la révolution en cours : les soldats ne « marchent » plus et le coup de force échoue.
 16 au 19 septembre 1917 : un bombardement de l’artillerie française accompagne un assaut donné au camp de la Courtine par des troupes russes fidèles au Tsar. Que les soldats du soviet de la Courtine aient combattu l’assaut est extrêmement douteux ; cette reconquête ostensiblement guerrière du camp de la Courtine fait officiellement neuf morts, mais vraisemblablement plusieurs dizaines parmi les soldats soviétistes.
Octobre 1917 : un congrès panrusse des soviets va se réunir à Petrograd ; panrusse signifie ici que les soviets actifs dans toutes les localités de l’empire, quelles que soient les langues parlées par leurs habitants, envoyaient leurs délégués à ce congrès : le congrès panrusse des soviets est multinational et multiethnique comme l’est la population qu’il représente.
Le soir du 23 octobre , veille de la réunion du congrès panrusse des soviets, le soviet de Petrograd occupe le Palais d’Hiver, chasse le gouvernement Kerenski, licencie la Douma, puis remet au Congrès des Soviets les pouvoirs de l’État : la révolution d’octobre 1917 est soviétique.
Le Congrès des Soviets adopte d’abord un décret sur la paix : ce décret déclare la paix au monde, demande à chacun des États belligérants de publier ses buts de guerre et leur propose à tous la paix immédiate sans annexion ni indemnisations : la révolution soviétique est pacifiste.
Il adopte ensuite un décret sur la terre qui nationalise la terre et donne aux soviets la mission d’en répartir l’usufruit entre les paysans qui la travailleront de leurs mains . La collectivisation n’est pas pour tout de suite.
Il désigne encore un Conseil des Commissaires du Peuple et lui donne la mission de gouverner le pays.
Dans les campagnes, les soviets locaux font face aux réactions violentes des débris de l’empire russe : ils forment des détachements de partisans rouges.
Novembre 1917 : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Finlande se déclarent indépendantes.
30 novembre 1917 : le Conseil des Commissaires du Peuple déclare préparer une paix sans annexions ni indemnisations
Décembre 1917 : Le Congrès des Soviets reconnaît l’indépendance des quatre pays baltes.
Les forces vives de la Pologne sont divisées comme son territoire entre trois souverainetés : autrichienne, allemande et russe ; de plus, une partie de sa bourgeoisie intellectuelle a formé un corps de volontaires polonais pour combattre avec les armées française et britannique : tout cela interdit à la Pologne le processus soviétique d’accès pacifique à l’indépendance.
L’armée japonaise débarque en Sibérie ; au motif de la surveiller, les États-Unis d’Amérique y envoient un corps d’armée .
Le Conseil des commissaires du Peuple informe la France, le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique de ce que la Russie se trouve totalement privée d’armée , qu’elle est donc incapable de poursuivre la guerre à leurs côtés ; l’invasion de l’armée allemande ne cessant pas, étant aggravée par l’intervention japonaise, la Russie a besoin que ses alliés lui accordent une aide d’urgence et précise la nature et l’importance de cette aide.
Les gouvernements français et britannique lui répondent sur deux plans : sur le plan diplomatique, par un silence méprisant , et sur le terrain en envoyant des troupes prendre des positions en Russie même (Mourmansk et la presqu’île de Kola, la Crimée et le sud russe et ukrainien, le Caucase...), ainsi qu’en envoyant des missions militaires auprès des armées récemment créées par les pays d’Europe centrale et dont les positions leur permettent d’intervenir dans les territoires de l’ancien empire (Bulgarie, Roumanie) . Le débarquement d’un corps d’armée à Vladivostok est la réponse des USA ; l’armée japonaise prend aussi des positions dans les territoires russes : en réalité, les anciens alliés et les anciens ennemis du Tsar sont essentiellement hostiles à la révolution soviétique ; les gouvernements français et britannique ont entrepris de faire de la future Pologne un État antisoviétique.
15 décembre 1917 : Les pourparlers avec les empires centraux et l’Entente s’engagent à Brest-Litovsk ; Trotsky conduit la délégation du Conseil des Commissaires du Peuple.
Les négociations sont marquées par une grande confusion, et surtout par les prétentions territoriales que la délégation allemande étend sans cesse.
Janvier 1918 : le Président des États-Unis d’Amérique, Woodrow Wilson, publie une déclaration sur les buts de guerre que poursuivent les États-Unis d’Amérique ; l’apparent pacifisme de cette déclaration lui assure pendant quelques semaines une réception favorable en Russie soviétique ; mais cette bonne impression ne dure pas : la Déclaration Wilson ne répond pas à la déclaration de paix du Congrès des Soviets et laisse de côté sa proposition d’une paix juste et démocratique. Son objet véritable est de poser la candidature des États-Unis d’Amérique au rôle de principal inspirateur, voire de chef, de l’impérialisme mondial.
28 janvier 1918 : le Conseil des Commissaires du Peuple crée l’Armée rouge des Ouvriers et des Paysans.
La contre-révolution militaire déploie deux forces principales : d’abord les quelques unités et officiers de l’armée restés loyaux au Tsar, parfois appuyés par des partisans contre-révolutionnaires, ensuite les unités et missions étrangères envoyées prendre des positions dans les territoires de l’ancien empire par les gouvernements d’Allemagne, du Japon, de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis d’Amérique.
La lutte contre la contre-révolution militaire occupe constamment les soviets et les bolchéviks ; elle ne laisse pas indifférents les communistes venus de l’étranger ; des Français communistes interviennent dans le sud auprès des troupes françaises débarquées en Crimée et à Odessa.
10 février 1918 : Trotsky déclare que « la Russie n’est plus en guerre avec l’Allemagne », ne signe pas la paix et rentre à Petrograd.
Les troupes allemandes occupent les pays baltes et l’Ukraine et reprennent leur progression en Russie. Après d’âpres discussions avec Lénine, Trotsky doit revenir à Brest-Litovsk et accepter des conditions de paix bien pires que celles de janvier .
Septembre 1918 : une grande mutinerie de la flotte allemande, soutenue par une insurrection du peuple des villes de garnison maritime , provoque la démission de l’empereur et de tous ses vassaux qui régnaient sur les régions allemandes. Immédiatement, deux chefs politiciens de la social-démocratie, Friedrich Ebert et Philipp Scheidemann, proclament la République et forment un gouvernement. Puissamment aidé par les gouvernements français et britannique qui réarment ce qui reste de l’armée et arment les corps francs contre-révolutionnaires, ce gouvernement engage une répression féroce des révolutionnaires allemands.
Les troupes allemandes de Russie ne sont plus commandées , et d’ailleurs, le gouvernement social-démocrate a besoin de troupes pour réprimer les insurrections en Allemagne. De plus, les partisans rouges d’Ukraine, certains d’inspiration bolchévique et formés autour de gardes rouges, d’autres inspirés par l’anarchisme paysan, rassemblés et commandés par Makhno, exercent une pression croissante : les troupes allemandes se retirent des territoires qu’elles occupaient dans l’ancien empire.
Novembre 1918 : la Hongrie s’émancipe de la tutelle autrichienne ; un nouveau gouvernement prend le pouvoir. Son Premier ministre, Mihaïly Karolyi, magnat de Hongrie, grand lecteur des philosophes des Lumières et ami de la France et de sa République, souhaite faire de la Hongrie une République sœur de la République française. Il propose aux gouvernements français et britannique de faire une paix immédiate et séparée , en même temps qu’il fait adopter par le parlement hongrois une loi de réforme agraire.
Janvier 1919 : devant les atermoiements des magnats de Hongrie à commencer la réforme agraire, Mihaïly Karolyi leur donne l’exemple : il renonce à la propriété de ses propres terres et les partage entre ses anciens serfs qui deviennent ainsi des paysans propriétaires des terres qu’ils travaillent.
Le parti bolchévik appelle les communistes de tous les pays à tenir une conférence internationale à Moscou.
Février 1919 : les gouvernements français et britannique refusent la proposition hongroise de paix immédiate et exigent la capitulation de l’armée hongroise.
2 mars 1919 : à Odessa, une patrouille de policiers russes contre-révolutionnaires aidés par des officiers français surprennent une réunion de bolchéviks à laquelle participe Jeanne Labourbe , française et communiste, les torturent et les fusillent.
Ce même jour, le 2 mars 1919 , s’ouvre la conférence communiste internationale, qui se proclame presque aussitôt congrès fondateur de l’Internationale communiste .
B - Circonstances politiques de la formation de l’Internationale communiste
Toutes les conditions qui ont déterminé les bolchéviks à inviter les communistes du monde à se réunir à Moscou le 2 mars 1919 sont consécutives à la prise du pouvoir par le Congrès panrusse des Soviets le 24 octobre 1917 (date du calendrier julien, soit le 7 novembre 1917 du calendrier grégorien).
La plus profonde de ces conditions est qu’en retirant son pays de cette guerre longue et longuement criminelle, le Congrès des Soviets a transformé le profond dégoà »t qu’elle inspirait en une revendication pacifiste impérieuse encore jamais observée.
Né de la guerre, dans les tranchées, parmi les soldats qui affrontaient les mêmes combats, les mêmes dangers et partageaient les mêmes souffrances que les Russes, ce pacifisme impérieux s’est bientôt étendu aux membres de tous les peuples dont des hommes ont été recrutés pour combattre, car ces peuples souffraient autant que les soldats, en termes d’absence des hommes, de sous-alimentation, de surtravail, de manque d’hygiène, d’épidémies...
Impérieusement, ce pacifisme dénonce les gouvernements qui conduisent les peuples dans la guerre et refusent d’y mettre fin , et cela, la déclaration de paix au monde proclamée par le Congrès des Soviets l’éclaire vivement.
Il dénonce en même temps les industriels fournisseurs de matériels de guerre, les marchands de canons , à qui chacun des combats rapporte des fortunes.
Il rencontre ainsi la dénonciation de l’État, serviteur du système capitaliste, que Marx et Engels avaient produite.
Toutes ces réalités permettent aux socialistes marxistes et aux communistes de mettre en lumière la culpabilité du capitalisme dans la survenue des guerres : de cette prise de conscience naît la double revendication de la paix et du socialisme.
Le pacifisme populaire devient révolutionnaire : les ministres qui servent le capitalisme le comprennent parfaitement et s’attachent à le réprimer.
Les gouvernements répriment le pacifisme . Tous les gouvernements capitalistes censurent la nouvelle que le premier décret du Congrès des Soviets déclarait la paix au monde le 24 octobre 1917.
Depuis le début de 1918, la propagande des trusts et des gouvernements capitalistes donne à la Déclaration Wilson une importance démesurée, afin que son apparent pacifisme efface la déclaration de paix au monde du congrès des Soviets.
Les gouvernements au service des trusts capitalistes et les trusts eux-mêmes déploient une lourde propagande pour combattre la sympathie que les soldats de toutes leurs armées combattant sur tous les fronts ressentent pour les Russes qui ont osé sortir de la guerre. Cette propagande diffamante, accusant les Russes de « trahison », et (déjà ) les soviets de pratiquer la « terreur rouge », vient appuyer la répression violente, notamment par fusillades « pour l’exemple », que ces gouvernements opposent aux plus modestes murmures revendicatifs de leurs soldats.
Ni les gouvernements au service des grands trusts capitalistes ni ces trusts eux-mêmes n’envisagent de reconnaître le gouvernement des soviets.
Et en effet, à peine le congrès des soviets avait-il pris le pouvoir que le gouvernement allemand faisait avancer ses troupes en Pologne, en Biélorussie, en Ukraine. Le gouvernement britannique débarquait quelques régiments à Mourmansk, à Arkhangelsk et dans le Caucase. Le gouvernement français faisait de même à Odessa et en Crimée, en même temps qu’il envoyait des conseillers auprès de la jeune armée roumaine qui s’est avancée dans les territoires de l’ancien empire. En général, les troupes débarquées couvrent l’appui logistique et d’organisation que leurs gouvernements apportent aux débris des forces impériales.
D’ailleurs, les intentions véritables des gouvernements serviteurs des grands trusts capitalistes vont bien au-delà : pour eux, le partage du monde commencé en 1914 est essentiel, plus important que des millions de vies humaines, et les peuples, leurs besoins et leurs aspirations n’ont pas d’importance ; les gouvernements des pays capitalistes, qu’ils aient été les alliés ou les ennemis du Tzar, ne mettront fin à la guerre qu’après avoir accompli le repartage du monde entrepris en 1914. Les impérialismes considèrent les territoires ayant appartenu à l’empire défunt comme une terre sans maître, que rien ne doit les empêcher de se partager.
Les raisons d’intervenir en Russie qu’ont les belligérants de la Première Guerre mondiale amalgament l’impérialisme pur et dur et la contre-révolution ; c’est dans cet esprit qu’ils commencent à édifier autour du pays en révolution un ensemble de mesures idéologiques, administratives, policières et militaires afin de protéger leurs États de la contagion révolutionnaire. Ils entreprennent d’affermir les pouvoirs de leurs gouvernements en reconquérant la maîtrise idéologique des opinions publiques des pays qu’ils gouvernent encore, tout en créant les conditions matérielles de la reconquête guerrière des territoires de l’ancien empire.
Les peuples nourrissent et maintiennent le pacifisme . Malgré les censures, la nouvelle de la déclaration de paix au monde du Congrès des Soviets se répand : elle parvient aux publics après six semaines et souvent plus. La diffusion se fait de bouche à oreille, par les tracts des militants communistes et par leur presse qui a les plus grandes difficultés à exister (c’est-à -dire à être rédigée, éditée, diffusée), et dans certains cas par la presse des socialistes qui se sont dégagés de la politique sociale-démocrate d’« Union sacrée », quand cette presse existe.
Des sympathisants accourent en Russie : leur affluence est limitée par les dangers et la difficulté du voyage. Eu égard au courant de sympathie que s’attire la révolution des soviets, ils ne sont pas nombreux.
Ils sont divers : certains servent la révolution ; d’autres se contentent de l’observer ; certains, de retour dans leur pays, se servent dans leur propre intérêt de leur séjour au pays de la révolution...
Certains sont communistes, d’autres, socialistes de diverses tendances, d’autres encore, chrétiens attachés soit au message social, soit au message de paix du Christ ; d’autres enfin sont pacifistes et ne se reconnaissent pas d’autre définition.
Parmi ces observateurs, il y a des membres des peuples colonisés ; ceux-ci ont leurs propres raisons d’aller discuter avec les principaux révolutionnaires soviétiques.
Les militaires des pays qui interviennent en Russie portent souvent, eux aussi, le besoin de la paix : des refus d’obéir et des mutineries ont lieu parmi eux, notamment la grande mutinerie de la flotte allemande de septembre 1918, qui a déterminé la chute de l’empire allemand. Pour 1918, il faut citer aussi la mutinerie des marins français de la Mer Noire conduite par André Marty , et les refus d’obéir des soldats français d’Odessa et de Crimée.
Dans les pays capitalistes, la revendication de la paix gagne les peuples . Et en même temps, la conscience de ce que les jusqu’au-boutistes de la guerre sont les propriétaires des plus gros capitaux de l’industrie lourde et de la banque gagne les travailleuses et les travailleurs.
En France , la misère imposée au peuple s’accroît encore en 1917 et 1918, du fait de l’effort de guerre supplémentaire exigé par le gouvernement. Malgré l’intense propagande de guerre diffusée à saturation par la presse bourgeoise, une profonde réflexion collective commence au sein du peuple : le souvenir de l’action ardente de Jean Jaurès contre la montée de la guerre revient au premier plan des consciences populaires. Ouvrières, ouvriers et autres membres du peuple se rappellent l’avertissement inscrit dans l’ouvrage l’Armée nouvelle qu’il a publié en 1910 : Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage !
Au début de 1919 , ce mouvement populaire de réflexion a écarté des soldats la condamnation bourgeoise de « la trahison des soviets » ; en France, mais aussi en Allemagne, en Italie... il désigne le Capital comme l’ennemi de la paix.
En Allemagne, c’est un puissant mouvement pacifiste populaire qui a fait tomber l’empire.
Dans d’autres parties du monde et de manières diverses, le pacifisme fait son chemin dans les consciences populaires en mettant en cause les profiteurs de guerre...
Dans chaque pays, le pacifisme naît du peuple de ce pays, et ne peut avoir d’autre source
La révolution a besoin de la paix . Le peuple en révolution est agressé par les débris de l’empire, formés de militaires, de policiers, de fonctionnaires fidèles au Tsar déchu et soutenus par les bourgeois riches : ceux-ci font aux soviets la guerre civile, en fondant leur action de violence dans le droit du régime tsariste déchu.
En même temps, les gouvernements étrangers se préparent ouvertement à une action de force qui visera directement les soviets afin de les détruire et de soumettre le peuple au régime du plus fort : aux yeux des révolutionnaires les plus conscients, cette deuxième agression est inévitable.
L’objectif de la révolution est de rendre chaque paysan maître de la terre qu’il travaille et d’assurer à chacune et à chacun la nourriture qui lui est nécessaire . Les membres des peuples qu’elle concerne se trouvent dans l’obligation de défendre leur droit de vivre contre le déferlement de violence guerrière que préparent les ennemis de toute révolution : ils vont devoir faire la guerre pour défendre leur vie .
En janvier 1919 , leur armée, l’Armée rouge des Ouvriers et des Paysans, a tout juste un an ; elle tient tête victorieusement aux débris de l’ancien empire, mais pour autant, nul en Russie ne croit qu’une victoire sur les forces étrangères d’intervention qui sont déjà présentes, sera facile : les révolutionnaires ont besoin d’alliés étrangers capables de paralyser l’intervention des forces impérialistes.
Quels peuvent être les alliés du peuple russe ? Personne dans les territoires en révolution ne doute que les autres peuples aussi ont besoin de la paix. Mais les trusts capitalistes et les États qui les servent en encadrant les peuples ont déjà engagé de gros moyens idéologiques et administratifs dans la répression du pacifisme.
Les révolutionnaires russes le savent , ils ne peuvent pas compter sur quelque pacifisme spontané, trop facilement submergé et dévoyé par les propagandes grand-bourgeoises ; leur seul espoir est dans les institutions politiques et sociales populaires indépendantes du patronat capitaliste et des administrations des États , telles qu’associations culturelles, syndicats ou partis ouvriers, dans la mesure où leurs membres ont conscience que contrairement aux propriétaires des gros capitaux industriels et financiers, tous les peuples du monde ont intérêt à la paix.
Parmi les révolutionnaires russes, l’influence des bolchéviks se montre déterminante dans la situation de guerre civile ; ils connaissent bien l’action des communistes étrangers qui sont intervenus en Russie pendant les années 1917 et 1918 auprès des troupes étrangères, et les résultats de cette action. Ils savent aussi quelle influence des communistes peuvent exercer sur les autres forces politiques de la paix et du progrès lorsqu’ils portent une ligne juste ; ils ont conscience des espoirs que les évènements survenus en Russie suscitent parmi les communistes de tous les pays.
Le mandat du congrès des Soviets et du Conseil des Commissaires du Peuple
Cela étant, les membres des peuples de l’ancien empire ne sont pas tous communistes et peu d’entre eux le deviendront à court ou à moyen terme : les soviets, organes du nouveau gouvernement de l’ancien empire, doivent respecter strictement le mandat que leur ont confié les peuples dont ils émanent.
Ce mandat est de faire la paix, de gouverner le pays afin qu’il produise ce dont les peuples ont besoin et de bâtir leur État socialiste .
Faire la paix implique de vaincre les dernières forces des débris de l’armée impériale, et cette victoire est en cours.
Mais faire la paix implique aussi de vaincre l’intervention étrangère qui commence ; à cette fin, l’intervention pacifiste des institutions des peuples étrangers indépendantes de leurs patronats et de leurs États est vitale.
Le respect du droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes est inscrit depuis toujours dans la politique des socialistes fidèles à l’œuvre de Karl Marx et de Friedrich Engels ainsi que dans la politique des bolchéviks : ni l’organisation des peuples étrangers, ni l’organisation d’un congrès mondial de politique révolutionnaire ne font partie du mandat du Congrès des soviets , non plus, bien évidemment, que du mandat que celui-ci a confié au Conseil des Commissaires du Peuple : l’un et l’autre sont incompétents pour organiser les peuples étrangers.
C - L’organisation internationale, un besoin des communistes
En janvier 1919 , les communistes, sauf les bolchéviks, sont membres du parti socialiste ou social-démocrate de leur pays. L’organisation politique internationale est inscrite dans leur culture comme une pratique de ces partis. La culture des membres des peuples que sont les communistes est très sollicitée par le rejet de la guerre, par le rejet de l’« Union sacrée », ainsi que par le pacifisme révolutionnaire qui en découle.
Outre cela, tous les communistes ont en commun de toujours se placer au point de vue de la classe ouvrière pour prendre connaissance du monde et pour prendre parti dans les luttes de classes, de penser selon le mode dialectique et de rechercher la vérité selon le critère matérialiste : n’oublions jamais que le mode dialectique de penser et le critère matérialiste de la vérité sont ceux qu’adopte la science lorsqu’elle s’émancipe de toutes les autorités, religieuses et étatiques .
La communauté de leurs points de vue, de leurs prises de parti, de leurs critères de vérité et de leur mode de penser n’enlève rien à la diversité des individus que sont les communistes : chacune d’elles, chacun d’eux s’est élevé dans une famille, dans un pays, dans une classe sociale qui n’est pas toujours la classe ouvrière ; le plus souvent, ils n’ont pas lu eux-mêmes les textes originaux de Marx, d’Engels et de Lénine : ils en ont « seulement » discuté avec leurs amis et leurs camarades, qui ne sont pas tous communistes ; le poids social des autorités administratives, le poids politique des autorités patronales, les traditions des luttes économiques et politiques des catégories progressistes de leurs compatriotes et des classes travailleuses de leurs pays, leur personnalité est faite de tout cela...
À cause de la diversité de leurs personnalités, les communistes comprennent que le bouillonnement des évènements et des opinions peut engendrer des interprétations hâtives et irrationnelles porteuses du danger de les opposer les uns aux autres. La culture des communistes, c’est de parer à ce danger en se réunissant pour examiner les évolutions concrètes des évènements, pour confronter leurs expériences et pour les analyser ensemble. Placés en janvier 1919 devant cette nécessité sur le plan international, les bolchéviks ont convoqué la conférence internationale des communistes qui s’est réunie le 2 mars suivant.
D - Ce que les communistes attendent de l’Internationale à la date de la convocation
Avant la fin du dix-neuvième siècle , des femmes et des hommes de tous les pays du monde, ou presque, avaient entrepris de comprendre l’essence des inégalités de leurs société dans le but d’y mettre fin : les communistes sont de ceux-là .
En 1918 , les communistes avaient intégré les expériences des deux premières organisations internationales des travailleurs et les confrontaient avec l’expérience dramatique de quatre ans de guerre : leur besoin d’une nouvelle organisation internationale en résultait.
D’une manière générale, la nouvelle Internationale doit contribuer à faire du communisme, dans tous les pays du monde, une force politique autonome capable de faire grandir la revendication populaire au détriment de l’exploitation que font les castes et classes exploiteuses et privilégiées de la force de travail des membres du peuple. L’organisation communiste internationale doit y contribuer en établissant, en maintenant et en intensifiant entre communistes les échanges d’informations relatives à toutes les modalités de l’exploitation de la force humaine de travail, ainsi qu’aux luttes des peuples contre cette exploitation.
Elle doit également y contribuer en favorisant les progrès de la conscience populaire dans tous les pays et dans tous les domaines de la connaissance scientifique, notamment en développant le mouvement dialectique et matérialiste de la connaissance individuelle et collective.
Remarque importante : lorsque les travailleuses et les travailleurs se saisissent eux-mêmes du mouvement dialectique et matérialiste de la connaissance et le mettent en œuvre dans le mouvement réel de défense de leurs intérêts ouvriers contre l’exploitation capitaliste , pour faire progresser leurs propres connaissances et leurs propres consciences, ce mouvement de connaissance et d’action devient le marxisme .
Les bolchéviks escomptent que dans les pays interventionnistes, la revendication populaire de la paix, renforcée par celle des soldats qui viennent de connaître quatre années de souffrances dans les tranchées, tend à diminuer la pression guerrière des capitalistes avides de s’approprier les terres de l’empire déchu ; le résultat qu’attendent les membres des peuples de cet ancien empire, c’est évidemment que cette pression assure aux soviets la paix dont ils ont besoin pour doter le pays de l’agriculture et de l’industrie qui leur sont nécessaires.
Les communistes des pays interventionnistes : Les communistes étrangers à l’ancien empire ont évidemment deux attentes simultanées : faire du retrait russe de la guerre une raison pour que leur propre gouvernement s’en retire aussi, et prendre connaissance des conditions dans lesquelles les bolchéviks ont pris leur part active à la révolution dans l’ancien empire, afin de mieux critiquer, afin de mieux comprendre les conditions dans lesquelles eux-mêmes agissent pour faire la révolution dans leurs propres pays.
Les communistes des colonies : Les communistes des colonies affrontent une exploitation globale de l’être humain qui combine l’exploitation de la force de travail des membres du peuple à l’oppression collective des nations colonisées au nom de la nation métropolitaine.
Leur besoin d’information est d’autant plus grand qu’ils prennent rapidement conscience, quand ils ne l’avaient pas déjà , que dans l’empire des Tzars de Russie, les peuples non-russes habitant l’Asie centrale et la Sibérie étaient soumis au même régime de colonisation qu’eux-mêmes, et que les soviets entreprennent réellement le travail concret de leur libération.
E - Ce qu’apportent les communistes à l’Internationale à l’ouverture de la conférence
D’une manière générale et en principe, tous les communistes devaient apporter à leur organisation internationale leur expérience historique des luttes sociales et politiques de leurs pays, en soumettant particulièrement à l’analyse l’expérience qui révèle le plus de problèmes, c’est-à -dire l’expérience des luttes en cours.
Les communistes de France : Les communistes français viennent à l’Internationale riches de la longue histoire des luttes de classes en France, avec Gracchus Babeuf et les Égaux , la Révolution de 1848 et la Seconde République, la Commune de Paris, le féminisme révolutionnaire d’ Olympe de Gouges , de Louise Michel , la recherche d’un parti politique ouvrier, la mutinerie des soldats du 17e régiment d’infanterie de ligne, l’interférence du pacifisme dans les luttes de classes, Jaurès , les fraternisations de 1915-1916, les mutineries et les fusillades « pour l’exemple » ; mais encore la profonde discussion populaire au sein de laquelle le pacifisme des poilus revenant des tranchées rencontre la lutte des classes et le pacifisme d’une classe ouvrière qui s’était largement féminisée . Ils sont sollicités par les mutineries des marins de la mer Noire et des poilus, à Odessa et en Crimée, et au-delà , par la solidarité internationaliste (que le sacrifice de Jeanne Labourbe illustre le 2 mars, le jour même de l’ouverture de la Conférence internationale).
Sauf qu’il fallut aux militants du Parti socialiste SFIO deux ans de discussion de plus pour décider (fin décembre 1920) d’adhérer à l’Internationale communiste.
Les communistes d’Allemagne : Les communistes allemands portaient également l’histoire des manifestations des soldats contre la guerre, mais aussi l’expérience (réussie) de la grande mutinerie de la Kriegsmarine et de la chute de l’empire qui s’en est suivie, mais encore celle des insurrections populaires qui ont suivi cette mutinerie, et aussi du réarmement par les gouvernements français et britannique des « corps francs » contre-révolutionnaires et celle de l’écrasement de la révolution dans son sang par ces troupes.
Les communistes de Hongrie : Libérés par la Révolution soviétique, quelques prisonniers de guerre austro-hongrois rejoignent les bolchéviks, puis rentrent en Hongrie ; en décembre 1918, ils créent le parti communiste hongrois ; son secrétaire général est Béla Kun .
Fin janvier 1919 , le gouvernement de Mihaïly Karolyï reçoit l’ultimatum par lequel les gouvernements français et britannique exigent la capitulation sans condition afin de nommer eux-mêmes le futur gouvernement de la Hongrie. La France refusant son alliance, Mihaily Karolyï remettra les pouvoirs de gouverner la Hongrie à Béla Kun le 21 mars, quelques jours après que les communistes convoqués pour leur conférence internationale se soient dispersés.
Les communistes des colonies : L’expérience qu’ils apportent à l’Internationale est celle d’une lutte où interfèrent les raisons de classe et les raisons nationales, de diverses manières qui peuvent être conflictuelles ; prendre connaissance de cette expérience est indispensable, notamment pour les communistes des pays colonisateurs.
Il est sà »r qu’une certaine timidité respectueuse pour le « grand frère », le parti bolchévik, pouvait retenir la parole de certains ; cette timidité n’était pas un facteur favorable aux travaux de l’Internationale...
Les communistes de Grande-Bretagne : L’expérience que les communistes du Royaume-Uni retiraient de la guerre mondiale ressemblait beaucoup à celle des communistes français.
Ils apportaient en outre l’expérience de la lutte révolutionnaire en Irlande, conduite par James Conolly : la lutte révolutionnaire en Irlande était une lutte contre l’exploitation de classe en même temps que contre l’oppression nationale, tout comme les luttes des communistes des colonies.
Les bolchéviks : Leur apport principal à l’Internationale communiste était évidemment l’expérience de la prise du pouvoir par le Congrès des soviets, et de la formation du Conseil des Commissaires du Peuple (le gouvernement soviétique).
Il est important de ne pas perdre de vue le fait qu’en février 1919, la révolution n’est pas faite ; seule, son étape préliminaire est en voie d’accomplissement : le pouvoir impérial ne détient plus le pouvoir de gouverner les pays qui lui avaient été soumis, et si la victoire sur ses débris armés est en bonne voie, elle n’est pas encore acquise.
Mais l’essentiel de la révolution, qui est la transformation socialiste de l’industrie et de l’agriculture du pays, reste entièrement à faire !
L’expérience que les bolchéviks, au printemps de 1919, devaient apporter à l’Internationale peut être exposée en cinq points :
1. Depuis 1905, les soviets sont l’acteur principal de la révolution : malgré la répression qu’ils subissent, ils ont réussi à se former en un réseau complexe couvrant pratiquement tout le pays ; pendant l’année 1917, ils ont étendu ce réseau à l’armée où les soldats ont formé des soviets. Depuis novembre 1917, l’expérience des soviets est marquée par des décisions importantes en matière de droit des nations à disposer d’elles-mêmes .
2. La paix est déclarée au monde par le congrès des Soviets ; les Commissaires du Peuple reposent la question des buts de guerre, qui avait d’abord été posée au sein de la Deuxième Internationale, mais les gouvernements belligérants refusent de leur répondre autrement que par la prétention de prendre le contrôle de grandes portions du territoire de l’ancien empire.
3. La guerre imposée au gouvernement soviétique entrave le processus révolutionnaire.
4. Lors de l’ouverture de la Conférence communiste internationale, l’Armée rouge est à l’offensive et proche de la victoire sur les restes de l’armée impériale ; cette situation, associée à l’ignorance de l’histoire des mouvements populaires revendicatifs et de la géographie du territoire, peut créer chez nombre de communistes l’illusion qe la Révolution consiste dans une offensive militaire .
5. Le rapport des bolchéviks aux soviets est une innovation : les bolchéviks participent aux soviets de base en leur qualité de simples membres du peuple ; ils n’y dictent aucune décision : les raisons de leur influence sur les décisions des soviets sont que le critère matérialiste est leur seul critère de vérité, ce qui rejette les questions de personnes dans la corbeille à papiers, qu’ils raisonnent selon le mode dialectique, ce grâce à quoi les chapelles idéologiques sont impuissantes à leur interdire de participer aux groupes de membres des peuples, et qu’ils prennent toujours le parti de ceux qui travaillent de leurs propres mains contre les usurpations et prétentions de tous les propriétaires et autres privilégiés.
F - La conférence internationale fonde l’Internationale communiste
L’importance et la variété des attentes des communistes sont telles que les problèmes posés ne pourront être traités de manière satisfaisante par le processus discontinu d’une suite de conférences internationales : les communistes de tous les pays ont besoin immédiatement d’une organisation internationale capable d’examiner en continu les problèmes internationaux du communisme. Leur conférence internationale s’est donc transformée en congrès fondateur de leur Internationale.
Le congrès fondateur terminé, de nouveaux partis apparaissent en quelques semaines dans divers pays, se déclarent communistes et demandent à adhérer à l’Internationale, bien souvent sans en avoir véritablement délibéré. Cette affluence et la confusion qui l’entoure déterminent la direction de l’Internationale à proposer au deuxième congrès, qui se réunira à Moscou du 17 juillet au 7 aoà »t 1920, d’adopter des conditions auxquelles devront satisfaire les partis candidats pour être admis comme membres de l’Internationale communiste.
Deuxième congrès de l’Internationale communiste, juillet 1920
Conditions d’admission des partis dans l’Internationale communiste
Dix-sept mois se sont écoulés entre le premier et le deuxième congrès de l’Internationale communiste : au cours de cette période, le mouvement révolutionnaire a connu plusieurs défaites dont deux retentissantes : en Allemagne, l’écrasement des soulèvements spartakistes par les corps francs contre-révolutionnaires, armés par les gouvernements britannique et français , et en Hongrie, l’écrasement de la République des Conseils par les bandes armées rassemblées par l’Amiral Horthy sous la protection de l’armée française et amenées à Budapest dans les fourgons de l’armée roumaine.
Au cours de la même période, la Russie des soviets confirmait sa victoire sur les débris armés de la contre-révolution sans pouvoir diminuer son effort de guerre, car les troupes étrangères en position depuis 1918 prenaient le relais des débris de l’empire dans la guerre contre les soviets : l’apaisement n’était pas à l’ordre du jour.
Dans ces circonstances, le deuxième congrès confirmait la tâche assignée à l’Internationale par son premier congrès d’aider les communistes de chaque pays à prendre conscience de la situation politique réelle et à prendre en main les tâches concrètes de la révolution anticapitaliste dans leur propre pays. L’Internationale devait aider les communistes à sortir de la confusion créée par les bouleversements économiques, sociaux et idéologiques résultant de la guerre et de la révolution soviétique. La proposition faite par l’Internationale aux communistes de discuter des conditions d’adhésion de leurs partis à l’Internationale et de les adopter était le moyen de les aider à accomplir cette prise de conscience .
G - Il est indispensable que le lecteur prenne connaissance de la liste des 21 conditions d’adhésion à la troisième Internationale [1].
[2]
Un siècle s’est écoulé depuis le congrès fondateur de l’Internationale communiste ; pendant un quart de ce siècle, elle a aidé les communistes du monde entier à s’organiser et à développer leur activité révolutionnaire.
Cette période a vu les fascismes se former en Hongrie, en Italie, en Espagne, en Allemagne, au Japon, allier leurs États par le « Pacte anti-Komintern » puis déclencher la Deuxième Guerre mondiale pour abattre l’URSS : il faut noter que les fascismes ouest européens ont tous bénéficié de puissants appuis de la part des propriétaires des plus gros capitaux industriels et financiers de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis d’Amérique .
La Deuxième Guerre mondiale opposait, rappelons-le, l’URSS, qui avait réussi à s’allier à trois pays, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique, dont les gouvernements servent ses ennemis, aux États du « Pacte anti-Komintern » : au plus haut niveau des capitaux qui le soutiennent, le fascisme, mouvement bourgeois, obéit à la morale bourgeoise : il ne met pas tous ses œufs dans le même panier !
C’est en mai 1943 que l’Internationale s’est dissoute : la raison officiellement donnée fut que désormais, les partis communistes avaient suffisamment progressé pour n’en avoir plus besoin.
Au cours de ce quart de siècle également, en 1927 , Léon Trotsky était exclu du Parti communiste de l’Union soviétique : il ne supportait plus de devoir participer au gouvernement soviétique sans être obéi par les soviets. En 1929, il a quitté l’URSS ; il s’est alors lancé dans une entreprise de dénigrement du pays des soviets qui lui a valu d’être abondamment et fermement soutenu par les propriétaires des plus gros capitaux des États-Unis d’Amérique, de Grande-Bretagne et aussi de France.
Après la guerre et la disparition de Staline, N.S. Khrouchtchev, son successeur au gouvernement de l’URSS, entreprit de réformer l’économie soviétique en rapprochant peu à peu son fonctionnement de celui de l’économie capitaliste. Cette évolution a conduit l’URSS à l’effondrement qui laissait le champ économique et politique libre devant les ci-devant hauts fonctionnaires de l’URSS, lesquels s’étaient transformés en ploutocrates sous la couverture généreuse de leur adhésion au Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) ...
En France, au cours des quatre derniers mois du siècle de l’Internationale communiste, nous avons vu émerger un mouvement populaire surprenant, le mouvement « des Gilets jaunes », qui manifeste sa puissance par sa durée : il est particulièrement remarquable que ce mouvement revendique la démocratie directe .
C’est remarquable parce que la démocratie directe est présente dans tous les moments du mouvement communiste et pas seulement en France, tantôt comme tentative, tantôt comme revendication, tantôt comme mode d’organisation locale du mouvement communiste : en effet, le mode d’organisation du parti communiste que nous appelons le centralisme démocratique ne fonctionne réellement que si les militants communistes assument pleinement la triple fonction simultanée de délibération, de décision et d’action qui leur incombe dans leurs cellules ; mais aussi, les soviets qui ont fait la révolution ne sont pas des structures du parti bolchévik ; ce sont réellement des institutions populaires de démocratie directe !...
Cette remarque doit nous donner beaucoup à réfléchir, lorsque nous voulons définir les moyens concrets de faire la révolution en France !...